ALIMENTATION DURABLE : 15 VILLES AFRICAINES SE LANCENT


Alors que le Sommet des Nations-Unies sur les systèmes alimentaires s’est clôturé à Rome le 26 juillet, une nouvelle collaboration inédite pour transformer les systèmes alimentaires urbains africains voit le jour. Durant les quatre prochaines années, le projet AfriFOODlinks entend ainsi établir des liens durables et constructifs entre pas moins de 65 villes à travers le monde afin de favoriser la construction de modèles alimentaires sains et pérennes. Lumière sur cette initiative de grande échelle. 

Tenu à Rome du 24 au 26 juillet, le Sommet des Nations-Unies sur les systèmes alimentaires visait à faire le bilan des efforts et initiatives poursuivis depuis le premier sommet organisé par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en septembre 2021.

Avec les meilleures équipes scientifiques du continent, des gouvernements locaux engagés et des associations compétentes, l’AfriFOODlinks est ainsi devenu le premier projet financé par l’Union européenne initié, monté et piloté par des institutions africaines, de quoi réaffirmer la souveraineté du continent.

Les villes transforment nos systèmes agroalimentaires

À cette occasion, les différents pays et organisations conviées à l’événement avaient mis en évidence plusieurs facteurs, « tels que la croissance démographique, l’urbanisation, l’évolution des modes de consommation et le changement climatique », qui remettent en question « la capacité des systèmes agroalimentaires de fournir des aliments nutritifs et des moyens de subsistance durables à toutes les populations »rappelle Corinna Hawkes, Directrice de la Division des systèmes alimentaires et de la sécurité sanitaire des aliments de la FAO.

Le sommet a été le coup d’envoi de coalitions dont l’objectif est d’expLorer les 5 pistes d’actions identifiées ci-dessus. – Source : INRAE

Ces constats sont d’autant plus vrais pour le continent africain, qui connaît actuellement une transition démographique sans précédent, enregistrant une croissance rapide de sa population urbaine. Représentant seulement 31% de la population totale africaine (soit environ 200 millions d’habitants) en 1990, elle se hissait déjà 43% (548 millions d’habitants) en 2018, pour très certainement atteindre 59% (1 489 millions) en 2050 selon les dernières prévisions.

« Cette tendance à l’urbanisation place les villes et leurs gouvernements au cœur des efforts déployés pour lutter contre les niveaux élevés d’insécurité alimentaire, de pauvreté et de malnutrition », assure le Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) dans un communiqué.

Une urbanisation massive aux enjeux sanitaires et environnementaux complexes

En effet, alors que les villes se remplissent sur le continent, la FAO dénombre plus de 47,9 millions de personnes sous-alimentées supplémentaires en 2014 et 2019, alors que près de deux tiers de la population était en situation d’insécurité alimentaire. Selon les experts, cette situation préoccupante n’est pas nécessairement due à une production ou à une offre alimentaires limitées, mais plutôt à l’absence de canaux appropriés pour accéder à une nourriture suffisante et nutritive.

À ces enjeux sanitaires, s’ajoutent également des répercussions environnementales : « la transition urbaine en Afrique a généré des besoins de consommation de plus en plus concentrés, exerçant une pression sur les ressources en eau et en terre, avec des conséquences majeures pour la biodiversité et les services écosystémiques », rapporte Paul Currie, un des coordinateurs du projet AfriFOODLinks, qui dénonce notamment la présence importante de produits chimiques nocifs dans la production et la transformation des aliments et l’augmentation de la consommation d’aliments emballés entraînant une hausse des déchets alimentaires et des empreintes énergétiques et d’émissions qui y sont associées.

La démographie urbaine comme catalyseur de changement

L’ORGANISATION AFRIFOODLINKS ENVISAGE CETTE TRANSITION URBAINE COMME UN CATALYSEUR « POUR LUTTER CONTRE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET FAVORISER UN CHANGEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE PLUS LARGE, EN PARTICULIER SI ELLE EST ENVISAGÉE SOUS L’ANGLE DE SYSTÈMES ALIMENTAIRES INCLUSIFS ».

C’est dans cette optique que le projet, financé par l’Union Européenne et mis sur pieds par ICLEI Africa, une coupole d’institutions spécialisée dans le développement urbain durable, est lancé en juin dernier. « L’avenir de l’Afrique est urbain, et nous devons réfléchir de manière critique à la manière de nourrir nos populations croissantes. Nous devons prendre en compte l’ensemble de la chaîne de valeur alimentaire et les liens entre les zones urbaines et rurales », annonce alors le professeur Anyang’ Nyong’o, gouverneur de Kisumu, lors du discours d’ouverture de la première rencontre des membres du projet AfriFOODlinks.

Expérimenter et partager : des valeurs au coeur du projet AfriFOODlinks

Cinq villes-pilote ont ainsi été élues parmi le continent : Le Cap en Afrique du Sud, Kisumu au Kenya, Mbale en Ouganda, Ouagadougou au Burkina Faso et Tunis en Tunisie. Durant quatre ans, les gouvernements locaux aidés des équipes scientifiques et des associations du secteur seront appelés à expérimenter des changements innovants au sein de leur environnement alimentaire urbain afin de favoriser l’accès à des produits alimentaires sains et nutritifs à leur population.

Kisumu au Kenya. Wikicommons.

« Cinq villes européennes (Bruges en Belgique, Lisbonne au Portugal, Milan en Italie et Montpellier en France) et dix autres villes africaines participeront aux échanges et capitaliseront leurs expériences », explique le CIRAD. « Elles alimenteront ainsi les réflexions d’un réseau de plus de 45 agglomérations du monde : les villes signataires du Pacte de Milan par lequel elles se sont engagées dans des politiques urbaines pour une alimentation durable ».

Carte des villes concernées par le projet AfriFOODlinks. – Source : AfriFOODlinks, https://afrifoodlinks.org/

Dans le cadre de sa mission, AfriFOODlinks met en place un référentiel de connaissances centralisé et alimenté de manière participative pour les ressources clés sur les systèmes alimentaires urbains.

Cette collaboration inédite en matière de partage des connaissances et de gouvernance des systèmes alimentaires urbains à travers le continent a finalement de quoi largement inspirer les villes du monde entier afin de co-créer des systèmes alimentaires performants adaptés aux réalités culturelles, environnementales et socio-démographiques des différents environnements concernés !


L.A. © mrmondialisation.org