UNE ÉTUDE MONTRE QU’IL NE FAUT PLUS PRESCRIRE DE L’ASPIRINE EN PRÉVENTION DES AVC


L’aspirine est fréquemment prescrite quotidiennement à faible dose pour prévenir des risques d’accident vasculaire cérébral. Pourtant, en augmentant le risque hémorragique, cette molécule peut s’avérer dangereuse sur le long terme, en particulier pour les personnes âgées.

Prescrire une faible dose d’aspirine à prendre quotidiennement est une pratique répandue chez les médecins pour prévenir le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC). Et si ce traitement préventif présentait finalement plus de risques que d’avantages, en particulier chez les personnes âgées ? Lancé en 2010 en Australie, le projet ASPREE est né d’une préoccupation des chercheurs à propos de la fréquence très élevée de l’utilisation de l’aspirine à faible dose chez des personnes en bonne santé. En 2018, trois articles ont été publiés, démontrant que l’aspirine n’apportait aucun bénéfice dans le cadre de la prévention des AVC. Certains que les risques étaient élevés, en particulier pour les personnes âgées, et sachant cette pratique bien ancrée, les chercheurs ont poursuivi leurs recherches. Ils publient ce mois-ci dans JAMA Open Network leurs derniers résultats, examinant l’impact de l’aspirine à faible dose sur les accidents vasculaires cérébraux et les hémorragies intracrâniennes (hémorragies à l’intérieur du tissu cérébral).

« Pour ce groupe d’âge, la prise quotidienne d’aspirine augmente le risque hémorragique »

Malgré l’émergence d’études contre la prise quotidienne d’aspirine, même à faible dose, de nombreux médecins continuent de délivrer cette prescription aux personnes âgées, souvent en « prévention secondaire » pour éviter un deuxième AVC. « Pour ce groupe d’âge, la prise quotidienne d’aspirine augmente le risque hémorragique », alerte John McNeil, professeur à l’université Monash en Australie, et co-auteur de l’étude.

L’essai mené dans le cadre du projet ASPREE sur près de 19.000 personnes âgées (en moyenne 74 ans) a en effet montré une augmentation statistiquement significative de 38 % des saignements intracrâniens chez les patients qui prenaient quotidiennement 100 mg d’aspirine. « L’aspirine bloque de manière irréversible la contribution des plaquettes à la coagulation du sang, et cette fonction ne se rétablit que lorsque de nouvelles plaquettes sont libérées de la moelle osseuse, soit tous les 10 à 12 jours », explique le professeur McNeil.

Des saignements qui ne concernent pas uniquement le cerveau

En prescrivant de l’aspirine, les médecins espèrent fluidifier le sang et éviter la formation de caillots qui pourraient se détacher et bloquer brutalement le flux sanguin cérébral, entrainant un AVC. Mais chez les personnes âgées, les risques sont plus bien plus grands que les avantages. « Les hémorragies intra-cérébrales arrivent plus fréquemment chez les personnes âgées parce que leurs vaisseaux sanguins sont plus fragiles, et l’aspirine entrave le mécanisme de coagulation qui arrête l’hémorragie », poursuit le professeur. Ces saignements ne concernent pas seulement le cerveau, et peuvent intervenir dans tout le corps, en particulier chez des personnes âgées sujettes aux chutes. Le cumul des risques hémorragiques annule donc l’éventuel bénéfice que pourrait apporter une prévention secondaire, surtout lorsque celle-ci a été démontrée inefficace.

« Un bon contrôle de la tension artérielle et l’administration de statines (traitement contre le cholestérol) pour réduire les concentrations de lipides dans le plasma sont des éléments clés de la prévention des AVC », assure John McNeil, dont l’équipe poursuit les recherches sur les effets de l’aspirine.