LA MARCHE, UN SIGNE DE BONNE SANTÉ À NE SURTOUT PAS NÉGLIGER


La mobilité est essentielle pour rester en bonne santé et autonome en vieillissant. La vitesse de marche est le sixième signe vital, car elle permet de prédire un grand nombre de problèmes de santé.

Marcher serait un jeu d’enfant ? Loin de là, soutient l’épidémiologiste Peggy Cawthon, directrice scientifique de l’institut de recherche du California Pacific Medical Center. Il s’agit d’un comportement étonnamment complexe qui continue de déconcerter les chercheurs, en particulier ceux qui essaient de comprendre comment améliorer notre vie au fur et à mesure que nous vieillissons.

« Pour des raisons que nous ignorons encore, notre vitesse de marche est liée à notre risque de décès », explique-t-elle. Celles et ceux qui parviennent à garder le rythme sont susceptibles de vivre plus longtemps.

Mais aussi de vivre mieux. Selon le National Institute on Aging, le manque de mobilité est l’une des principales raisons pour lesquelles les personnes âgées perdent leur autonomie, et serait également étroitement lié au déclin cognitif.

Ces dix dernières années, la vitesse de marche s’est imposée comme le sixième signe vital, car elle permet de prédire un grand nombre de problèmes de santé. « La marche sollicite tous les systèmes du corps », ajoute Jessie VanSwearingen, professeure de kinésithérapie à l’université de Pittsburgh. Même si les médecins n’ont rien remarqué d’anormal, des changements dans la façon de marcher peuvent être le signe d’un problème sous-jacent.

Cette femme de 83 ans nage un kilomètre par jour, ce qui devrait l’aider à rester mobile en vieillissant. La mobilité est essentielle pour maintenir son indépendance et sa qualité de vie à mesure que l'on vieillit. Une perte de mobilité peut être le signe annonciateur d'un grand nombre de problèmes de santé. PHOTOGRAPHIE DE FRITZ HOFFMANNNAT GEO IMAGE COLLECTION

Il existe quatre types d’exercices que nous devrions tous pratiquer pour nous aider à rester actifs : l’endurance, la force, l’équilibre et la souplesse. Ce n’est qu’une partie de l’équation. « Je suis d’avis que l’exercice est important mais que ce n’est pas pour autant la réponse à tous nos problèmes de santé. Plusieurs paramètres entrent en compte », affirme Cawthon.

On-Yee (Amy) Lo, du Hebrew SeniorLife Marcus Institute for Aging Research et professeure adjointe à la Harvard Medical School et au Beth Israel Deaconess Medical Center, souligne qu’il y a encore beaucoup à apprendre sur la manière dont le cerveau influe sur notre état de santé. Elle a en effet reçu de nombreux patients dont les muscles fonctionnaient parfaitement mais qui ne parvenaient pas pour autant à se mouvoir lorsqu’on le leur demandait, explique-t-elle.

Quelles mesures devrions-nous donc prendre pour protéger notre mobilité, en particulier à mesure que le temps passe ? Voici quelques pistes.

NE RESTEZ PAS IMMOBILES

Les experts s’accordent pour dire que la pire chose à faire est d’arrêter de bouger. Vous en ressentirez les effets presque immédiatement, explique Pete McCall, directeur de l’éducation chez EōS Fitness et auteur de Smarter Recovery : A Practical Guide to Maximizing Training Results. Rester assis pendant des heures lui donne des douleurs, et c’est lorsqu’il utilise ses mains que son arthrite le dérange le moins ; un rappel que notre corps a besoin d’action.

« Je n’ai pas pour autant besoin de m’épuiser à chaque séance d’entraînement », soutient McCall, qui a partagé sa courte routine pour assouplir sa colonne vertébrale, ses hanches et ses chevilles sur le site internet de l’American Council on Exercise. « C’est un peu comme se brosser les dents. Si je ne le fais pas pendant un jour ou deux, je m’en aperçois », explique-t-il. Il pratique ces exercices (comme le fait de réaliser des cercles de hanches puis de poser un genou à terre pour enfin étendre le bras opposé afin de faire pivoter le haut du corps) avant ou après une séance d’entraînement, ou lors d’une journée de récupération active.

Si cela vous semble trop compliqué, McCall suggère de suivre les conseils qu’il donne à son père de 80 ans. « Je le pousse à marcher et à faire du yoga », dit-il, en soulignant que des exercices comme le chat-vache et les postures du guerrier nous obligent à faire attention à notre colonne vertébrale.

Même si vous êtes blessé, essayez de trouver une activité qui vous convienne, comme la natation ou le vélo. « La magie réside dans les exercices à votre portée », explique Lo. Dans son cas, en tant que mère active d’un enfant de quatre ans, il s’agit généralement de courir après son enfant.

Vous voulez essayer le pickleball ? Ou vous initier à la danse de salon ? N’ayez pas peur d’acquérir de nouvelles compétences, explique Jennifer Brach, professeure de kinésithérapie à l’université de Pittsburgh. « Trouvez un programme qui vous plaît et tenez-vous-y. »

MARCHEZ AVEC UNE BONNE TECHNIQUE

Pour véritablement améliorer votre marche lorsqu’elle commence à décliner, vous devez toutefois penser comme un athlète. Imaginez que vous vouliez jouer au tennis, mais que vous n’ayez pas un bon revers. Enchaîner les matchs ne résoudra pas le problème, explique VanSwearingen. Vous devez améliorer votre technique. C’est pareil pour la marche.

Vous pouvez vous améliorer à l’aide d’un tapis roulant. « Le tapis entraîne votre pied derrière vous et vous fait faire un pas », explique-t-elle. Il permet également d’expérimenter différentes vitesses pour trouver celle à laquelle vous vous sentez le mieux. Pour la plupart des gens, elle tourne autour des 1,3 mètre par seconde, soit environ 5 kilomètres/heure, explique VanSwearingen. Pour entraîner sa capacité d’adaptation, elle suggère d’augmenter occasionnellement sa vitesse de 10 % pendant une minute.

Quelle que soit la surface sur laquelle vous vous promenez, VanSwearingen insiste : « Marchez à partir de vos pieds ». Plutôt que de penser à soulever un pied et à le placer devant vous, utilisez vos pieds pour vous propulser et repousser le sol. Et ne regardez pas en bas, sauf si vous voulez tomber : « Le cerveau suppose que vous voulez aller là où vous regardez », ajoute-t-elle.

Cette approche de la marche constitue la base de On the Move, un cours de 12 semaines mis au point à l’université de Pittsburgh. Plutôt que de se concentrer sur la force et l’endurance (les objectifs typiques d’un cours de fitness), ce cours met l’accent sur la synchronisation et la coordination. « Nous utilisons l’analogie des voitures : plutôt que de donner à quelqu’un un plus gros moteur, notre programme améliore le système pour qu’il fonctionne plus efficacement », explique Brach. « Lorsque vous êtes plus efficace, vous pouvez faire plus. »

Par exemple, explique-t-elle, pour commencer à marcher, vous devez subtilement déplacer votre poids vers l’arrière et sur le côté. « Beaucoup de nos exercices commencent par un pas en arrière, de sorte qu’une fois le poids sur le pied arrière, vous pouvez pousser pour faire un pas en avant », explique Brach. Ces exercices visant à améliorer la marche peuvent avoir d’autres bienfaits comme une perte de poids et une baisse de la tension artérielle.

DONNEZ UN COUP DE POUCE À VOTRE CERVEAU

En fin de compte, l’organe responsable de nos mouvements comme de notre état de santé est le cerveau. Ne l’oubliez donc pas lorsque vous élaborez vous cherchez à maintenir votre mobilité. Cawthon met en avant le pouvoir du tai-chi, dont il a été démontré qu’il améliorait l’équilibre et réduisait le risque de chute. Les scientifiques cherchent à savoir si cela est dû à l’aspect physique de la pratique ou à ses exigences cognitives, dont la nécessité d’apprendre une séquence spécifique de mouvements.

Une étude récente publiée dans la revue Annals of Internal Medicine vante les effets bénéfiques du tai-chi « amélioré sur le plan cognitif ». Les participants qui se sont livrés à une gymnastique mentale supplémentaire (par exemple en épelant un mot à l’envers et à l’endroit pendant qu’ils effectuaient chaque pose) ont obtenu de meilleurs résultats à un test cognitif que ceux qui ont pratiqué un tai-chi standard ou des exercices d’étirement.

Il est très important de trouver des moyens de se protéger contre la démence, déclare Lo, qui note que la moitié des personnes atteintes de démence sont victimes de chutes, contre seulement 30 % de la population âgée moyenne. Mais diverses interventions prometteuses pourraient contribuer à améliorer la mobilité, comme la stimulation cérébrale non invasive.

Si de nombreuses personnes âgées connaissent les recommandations en matière d’activité physique, elles ne les suivent pas pour autant, souligne Lo. Elle a donc étudié ce qui se passe lorsque l’on associe des conseils comportementaux à quelques impulsions électriques sur la zone du cerveau liée à la motivation et aux fonctions exécutives. Il se trouve que les participants ayant reçu la stimulation ont fait plus de pas en moyenne que le groupe témoin, et ont maintenu ce rythme plusieurs mois durant, explique-t-elle. Une autre étude en cours utilisera la stimulation cérébrale pour améliorer la démarche mal assurée des personnes âgées.

Elle collabore également avec des musicothérapeutes pour effectuer des tests de stimulation musicale. « Certaines personnes âgées atteintes de démence ou de la maladie de Parkinson incapables de se mouvoir se mettent à suivre la musique lorsqu’on leur en joue », explique Lo.

ENTRETENEZ DÈS MAINTENANT VOTRE MOBILITÉ 

À quel moment faut-il se préoccuper de sa mobilité ? L’âge d’apparition des problèmes de marche ne fait pas l’unanimité. « Il faut être aussi actif que possible, peu importe son âge », affirme Cawthon, en précisant que les vingtenaires et les trentenaires en bonne santé sont les mieux armés pour faire face aux futurs problèmes liés à l’âge. « Il faut s’y mettre dès aujourd’hui. Ou sinon dès demain », ajoute-t-elle.

L’un des moments clés où réfléchir à sa mobilité est celui où l’on choisit son futur lieu de vie. Emménagez-vous dans un immeuble de plain-pied ou dans un bâtiment à plusieurs étages ? Y a-t-il un ascenseur ? « Difficile d’imaginer, au moment de l’achat d’une maison, que l’on puisse vouloir installer une rampe d’accès », explique Cawthon. Pourtant, un logement qui entretient votre mobilité peut faire une énorme différence dans votre confort de déplacement au sein de votre environnement.

L’environnement extérieur est tout aussi important. « Si vous vivez dans un quartier où les trottoirs sont bien entretenus et où le taux de criminalité est faible, vous serez plus enclin à sortir et à marcher », explique Brach. Les zones où il est facile de faire ses courses à pied encouragent également les personnes âgées à rester mobiles.

VanSwearingen recommande de prêter attention à vos sensations et à vos pensées. Disons que vous devez vous lever de votre chaise et traverser la pièce. Normalement, vous le ferez sans réfléchir. Mais si vous vous surprenez à réfléchir à la façon dont vous allez accomplir cette tâche, prenez-le comme un signe d’alerte. « Si vous avez ce genre de pensées, c’est qu’il est temps d’agir », soutient-elle.


DE VICKY HALLETT © www.nationalgeographic.fr