POLYGAMIE EN AFRIQUE: POUR OU CONTRE ?


La polygamie peut se définir comme le lien de mariage entre un homme et plus d’une femme. Elle est souvent associée aux clichés, d’où a priori, l’indignation et le débat dans les sociétés occidentales. C’est une pratique conjugale soutenue par le Coran pour le monde musulman. Le Livre saint autorise jusqu’à 4 épouses en recommandant de les traiter équitablement. La polygamie est encore très répandue en Afrique occidentale, particulièrement dans les pays francophones (Sénégal, Mali, Côte d’Ivoire, etc.).

LA POLYGAMIE EN AFRIQUE TRADITIONNELLE

La polygamie pratique ancestrale qui consistait pour un homme d’avoir plusieurs femmes avait pour objectif la création d’une grande famille.

Quelques siècles en arrière, la polygamie en Afrique était une « douce nécessité ». Sur un continent essentiellement agraire et alors dépourvu de machines modernes, une main d’œuvre en nombre était nécessaire. La « solution » de cette époque pour les hommes possédant des terres était de procréer, encore et encore, afin d’avoir des bras pour travailler sur les champs à cultiver. Dans cette optique, avoir plusieurs épouses et leur faire des enfants leur permettait de se constituer cette main d’œuvre.

La polygamie est un mode de vie qui s’exerce au profit des hommes. Le temps du mari est distribué entre toutes ses femmes et ses enfants. Certaines coépouses habitent sous le même toit ; il est donc nécessaire qu’elles sympathisent sinon l’ambiance devient vite invivable. D’autres demeurent à des kilomètres l’une de l’autre et l’homme fait la navette entre elles.

Cette pratique est admise dans bon nombre de pays d’Afrique où elle se maintient grâce à la législation, à la religion islamique ou grâce aux coutumes traditionnelles.

En Afrique, avant la colonisation qui a introduit des lois écrites, tout était basé sur la coutume et les traditions ancestrales. Si un grand parent était polygame, ses descendants seront eux aussi polygames car c’était devenu une coutume.

« Je suis la deuxième épouse de mon mari qui en a trois. Nous vivons sous le même toit avec nos dix enfants qui s’entendent à merveille. Je me suis mariée à trente cinq ans et la première épouse de mon mari m’a très bien accueillie. C’est un homme que nous chérissons » Sarah Commerçante à Accra

Beaucoup d’autres femmes tiennent un raisonnement analogue à celle de Sarah. Se basant sur les expériences de leurs parents qu’elles essayent de répliquer, et souvent de dépasser.

LA POLYGAMIE EN AFRIQUE MODERNE

Au Sénégal par exemple, la polygamie est reconnue par la loi. Selon le code de la famille, le mariage peut être célébré selon trois modes : soit sous le régime de la polygamie en raison de quatre épouses maximum ; soit sous le régime de la limitation de la polygamie avec deux ou trois épouses ; soit sous le régime de la monogamie. La loi ajoute qu’une fois signée, l’option monogamique est irrévocable pour toute l’existence de l’intéressé.

Les questions qu’on se pose aujourd’hui dans notre société moderne sont les suivantes : les mutations économiques, socio-économiques et démographiques, ont-elles des conséquences significatives et durables sur le devenir de la polygamie en Afrique noire ? Quelles seraient les variables qui déterminent l’évolution de la polygamie en temps et espace ? Quelles sont les conséquences sur le devenir de la femme africaine ?

LA POLYGAMIE REGAGNE DU TERRAIN EN AFRIQUE

La scolarisation et le mode de vie à l’occidental avaient réussi à cloisonner la pratique dans certains cercles réfractaires au changement, sans toutefois la vouer aux gémonies. Mais de plus en plus, la polygamie gagne du terrain dans des milieux intellectuels ou politiques dans certains pays d’Afrique subsaharienne.

En Afrique du Sud, le président Jacob Zuma affiche ses nombreuses femmes sans aucun complexe. Au nombre de trois au moment de sa prestation de serment, elles sont désormais six à avoir le titre de première dame. Ainsi, la libido légendaire du successeur de Thabo Mbeki alimente les blagues les plus drôles au pays de Mandela.

Au Sénégal, il n’y a jamais eu de président polygame, mais l’élite politique et intellectuelle est adepte de la pratique. Ainsi l’ancien Premier Ministre Souleymane Ndéné Ndiaye, plusieurs ministres d’Etat, des hauts-gradés de l’armée, des leaders politique, des intellectuels de haut rang affichent leur polygamie sans complexe.

Les femmes intellectuelles s’accommodent de mieux en mieux de cette pratique. Il est vrai qu’avec les études, les femmes se marient de plus en plus tard. Elles ont ainsi moins de chance de trouver un homme de leur choix qui de surcroît est monogame. De peur de «mourir vieille fille», elles préfèrent s’engager dans un ménage polygame.

Certaines, comme cette jeune cadre dans une société de téléphonie mobile, troisième épouse d’un homme qui en a quatre, en ont fait un choix de vie.

«Je ne peux pas passer toutes mes journées au boulot et revenir m’occuper d’un gros bébé le soir. Je n’ai vraiment pas le temps de faire du poulet tous les soirs. Avec mon statut de troisième épouse, je ne vois mon mari que deux fois dans la semaine. Les autres jours, il est chez ses trois autres femmes. Cela m’arrange et me permet de m’occuper de ma carrière.»

Même son de cloche chez cette comptable, deuxième épouse d’un officier: «La polygamie m’arrange parce qu’elle me permet de bien concilier travail et ménage. Je doute fort que j’aurais été aussi heureuse si j’avais à voir mon mari tous les jours.», plaide-t-elle.

Célibataire sans enfant, cette étudiante en droit n’en dit pas moins: «Les femmes sont trop nombreuses. Il faut accepter la polygamie pour que chaque femme puisse avoir un mari.».

Dans d’autres pays d’Afrique de l’ouest comme le Togo ou le Bénin, la polygamie est moins fréquente. Même au sein des communautés musulmanes de ces pays, le régime polygamique perd du terrain car les jeunes l’associent aux dépenses faramineuses et aux disputes incessantes entre les différentes co-épouses. Cependant, note Sophie Kaliwa, une togolaise vivant à Dakar, «ces monogames togolais et béninois multiplient les maîtresses et entretiennent des relations avec d’autres femmes.» Une drôle de manière de rejeter la polygamie.