LA CALOTTE DU GROENLAND EST AMENÉE À DISPARAÎTRE, AVEC DES CONSÉQUENCES IMPRÉVISIBLES


Selon une étude publiée dans Nature, la fonte accélérée de la calotte glaciaire du Groenland va l’amener à disparaître totalement, ce qui entraînera, au minimum, une brutale montée des eaux. Des pays du Moyen-Orient et l’Inde s’inquiètent des conséquences climatiques de ces changements drastiques et s’allient aux peuples de l’Arctique.

Le Groenland vient peut-être de dépasser un point de non-retour, au-delà duquel, les conséquences climatiques vont nous échapper. Dans une étude publiée le 13 août dans la revue Nature, des chercheurs américains et néerlandais concluent que les glaciers de l’île-continent se sont tellement réduits que même si les émissions anthropiques de gaz à effet de serre cessaient à l’instant même, la calotte glaciaire sera amenée inéluctablement à disparaitre. Ce résultat s’appuie sur plus de trente ans de données satellitaires de surveillance des mouvements de la calotte, de son élévation, etc. Depuis vingt ans, la perte de masse de la calotte glaciaire groenlandaise s’accélère tant que les chutes de neige hivernales ne parviennent plus à compenser le rythme de plus en plus intense de la fonte estivale.

Cette dernière est due au vêlage des glaciers exposés à des courants de plus en plus chauds, ainsi qu’à la température de l’air – qui a connu des records cette année – qui crée des lacs au cœur même de la calotte. Ceux-ci s’écoulent vers la base de la calotte via des siphons et l’eau de fonte vient lubrifier le socle rocheux de l’inlandsis, ce qui accélère le mouvement des masses de glace. Certains modèles climatiques calculent qu’en cas de fonte brutale de la calotte groenlandaise, le niveau de la mer pourrait s’élever d’environ 7 mètres. Aujourd’hui, cette même calotte alimente l’élévation mondiale du niveau de la mer de plus d’un millimètre par an.

A la fin de juillet, des chercheurs de l’Université de Copenhague au Danemark publiaient dans la revue Nature une autre étude alarmante mettant en évidence la sous-estimation par les modèles « du taux d’augmentation de la température dans l’atmosphère au plus proche du niveau de la mer, laquelle a finalement fait fondre la banquise plus rapidement que prévu ». Pour retrouver le niveau exceptionnellement élevé des températures relevées cet été dans l’Arctique, il faut remonter… au dernier âge glaciaire ! A ce rythme, la banquise est susceptible de disparaître plus vite que prévu jusque-là par la plupart des modèles climatiques.


PHOTO D'ARCHIVES, PRISE LE 13 JUIN 2019 PAR STEFFEN OLSEN DU CENTRE POUR L'OCÉAN ET LE PÔLE DE L'INSTITUT MÉTÉOROLOGIQUE DANOIS, MONTRANT DES CHIENS DE TRAÎNEAU PROGRESSANT PÉNIBLEMENT DANS UN FJORD DONT LA BANQUISE EST RECOUVERTE PAR CINQ OU SIX CENTIMÈTRES DE GLACE FONDUE DANS LE NORD-OUEST DU GROENLAND. CENTRE FOR OCEAN AND ICE AT THE DANISH METEOROLIGICAL INSTITUTE/AFP/ARCHIVES - STEFFEN OLSEN

« Ces deux études se complètent et montrent l’amplification des phénomènes de fonte dans la région du Groenland et de l’Arctique, qu’il s’agisse de la calotte ou de la banquise, commente Mikka Mered, géo-politologue spécialiste des pôles. Si l’une et l’autre disparaissent, personne ne sait ce qu’il va se passer. Nous n’avons aucun moyen de calculer les effets actifs, les boucles rétroactives, voire rétro-rétroactives qui nous permettraient d’analyser toutes les conséquences de cette fonte accélérée. Le rapport sur la cryosphère rendu public par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat en septembre 2019 montre que les estimations étaient bien est en-dessous de la gravité des événements climatiques en cours aux pôles et sur les glaciers. Qui sait ce qui va se passer à l’horizon 2100 ? »

Dans ce contexte d’incertitude, les résultats de deux groupes de chercheurs de l’Agence polaire russe s’opposent : pour l’un, la modification du Gulf Stream par apport massif d’eau froide pourrait conduire à une reglaciation saisonnière de l’Arctique ; pour l’autre, le réchauffement va s’amplifier toujours plus. « Chacun peut trouver l’étude qui justifie ses croyances et notre ignorance laisse la place aux négationnistes », se désole Mikaa Mered.

Quoi qu’il en soit, le sort de l’Arctique inquiète et trouve une caisse de résonance dans de nombreuses régions du monde. Ainsi, indique Mikaa Mered, « des chercheurs du Moyen Orient veulent comprendre le lien entre fonte arctique et aridification de leurs terres ». En Inde, la chaîne de l’Himalaya connaît les mêmes épisodes de rétrécissement que l’Arctique et le Groenland. Le centre de l’Inde, soumis à des épisodes de chaleur à répétition, s’aridifie. Enfin, l’augmentation de la température globale, de la pression atmosphérique, du taux d’eau dans l’atmosphère engendrent des moussons de plus en plus intenses qui dévastent le sud et les côtes du sous-continent.


L’urgence est là et des pays qui n’avaient rien de commun ont décidé de se rapprocher au sein de l’Arctic Circle forum, un événement organisé par les Islandais, localisé en 2021 à Abou d’Abi et sponsorisé par les Emirats Arabes Unis. Les pays abritant des glaciers montagnards – qui souffrent autant que l’Arctique – ont développé le concept de  » nations arctiques et verticales  » qui inclue les pays ayant des sommets de plus de 5000 mètres d’altitude. L’Arctique, longtemps désignée comme sentinelle du changement climatique, est devenu l’épicentre des tourments climatiques de la planète.


 

 

Src: sciencesetavenir.fr — Par : Sylvie Rouat