L’Afrique de l’Ouest adopte sa première stratégie régionale pour le climat


Les quinze pays de la Cedeao s’engagent à accroître et à mieux coordonner leurs actions pour contrer les effets du dérèglement climatique.

La lutte contre le dérèglement climatique devient une affaire régionale en Afrique de l’Ouest. A la fin d’avril, les quinze pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont adopté une stratégie commune à l’horizon de 2030, avec pour objectifs de renforcer leur coopération dans les politiques d’adaptation aux effets déjà en cours et d’élaborer des trajectoires de développement peu émettrices de gaz à effet de serre

Des objectifs communs existent déjà, par exemple dans le secteur de l’énergie, où les pays de la Cedeao ambitionnent de porter la part des énergies renouvelables à 48 % du mix énergétique en 2030. La création de services performants dans les domaines des prévisions météorologiques ou de la prévention des catastrophes naturelles fait également déjà l’objet d’une réflexion commune. Il s’agit désormais d’aller au-delà en fournissant, pour les secteurs les plus exposés, comme l’agriculture, des évaluations solides sur les effets du réchauffement et de proposer des réponses à l’échelle régionale. Le renforcement du système partagé de stockage des céréales pour faire face aux sécheresses et aux crises alimentaires récurrentes est l’une des pistes avancées. La Cedeao entend aussi jouer un rôle pour aider ses pays membres à préserver leurs forêts et le stock de carbone qu’elles représentent.

« Le changement climatique transcende les frontières. Tous nos pays sont touchés par la multiplication des phénomènes extrêmes : inondations, vagues de chaleurs, érosion côtière… Nous devons en prendre la mesure et y répondre », justifie Sékou Sangaré, commissaire de la Cedeao chargé de l’agriculture, de l’environnement et des ressources en eau.

Sécheresses récurrentes

Quelque 400 millions de personnes vivent en Afrique de l’Ouest, dont la moitié au Nigeria. Ce chiffre pourrait atteindre 1 milliard d’ici à 2050. Le recul rapide du trait de côte sous l’effet de la montée du niveau de la mer contraint déjà à repousser vers l’intérieur des terres des communautés côtières. Au Sahel, où l’agriculture demeure l’activité dominante, la récurrence des sécheresses et la variabilité accrue des pluies entraînent plus de migrations internes. La région va subir une augmentation des températures plus importante que la moyenne mondiale.

Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat prévoit, selon les scénarios plus ou moins pessimistes, des hausses comprises entre 1,9 °C et 5,9 °C à la fin du siècle. Dans un contexte de forte croissance démographique et d’insécurité alimentaire chronique, une incidence importante sur les rendements des principales céréales cultivées est attendue, avec des baisses allant de 16 %, pour le sorgho, à 25 %, pour le riz dans le cas d’une hausse des températures limitées à 2 °C.

« La cohabitation entre les éleveurs et les agriculteurs devient de plus en plus difficile. Les anciennes pistes de transhumance sont occupées par des paysans qui ont été obligés de quitter leurs terres. Cela génère toujours plus de conflits, et aucun de nos pays n’est à l’abri. Nous devons trouver des solutions en créant, par exemple, des espaces transfrontaliers où seront définies des règles communes d’aménagement et d’utilisation de l’espace », poursuit M. Sangaré.

Selon des travaux sur les migrations climatiques en Afrique de l’Ouest publiés par la Banque mondiale en 2021, jusqu’à 32 millions de personnes pourraient être contraintes de quitter leur foyer d’ici au milieu du siècle. Le Niger et le Nigeria seraient les deux pays les plus concernés par ce phénomène.

Faciliter l’accès aux financements

Tous les pays de la Cedeao sont parties prenantes de l’accord de Paris sur le climat, signé en 2015, et ont déposé auprès de la Convention des Nations unies sur le climat leur « contribution nationale », dans laquelle ils définissent leurs objectifs en matière d’atténuation des émissions, et évaluent leurs besoins financiers. Additionnés, ceux-ci s’élèvent à 294 milliards de dollars (279 milliards d’euros) jusqu’en 2030 – dont 45 milliards pour l’adaptation – et ne sont pas à la portée d’Etats qui font tous, à l’exception de quatre (Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Ghana et Nigeria), partie des pays les moins avancés.

Alors qu’ils ne contribuent que pour 1,8 % aux émissions mondiales de CO2, ces pays, s’ils veulent respecter des trajectoires de développement faiblement carbonées, sont largement dépendants des financements internationaux. L’accès aux « guichets internationaux », comme le Fonds vert pour le climat, s’est souvent révélé complexe pour des gouvernements dont les capacités techniques sont limitées.

De ce point de vue, le passage à l’échelon régional peut permettre de dépasser cette difficulté. C’est, en tout cas, l’un des objectifs de la stratégie régionale qui prévoit, par exemple, de faire accréditer la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao au Fonds vert afin de faciliter l’accès aux financements.

L’Union européenne, qui a soutenu l’élaboration de cette stratégie régionale, s’est également engagée à en appuyer la mise en œuvre. Dans un contexte où plusieurs Etats traversent des crises politiques profondes, ce projet supranational – à condition qu’il soit doté de réels moyens – peut aussi permettre d’assurer la continuité de l’action climatique en dépassant les soubresauts locaux.