EN AFRIQUE DE L’OUEST, UNE RUÉE VERS L’OR À HAUTS RISQUES


Le filon saharien fait le bonheur des compagnies étrangères et des orpailleurs clandestins, mais aussi des groupes djihadistes.

De nouveaux rêves d’eldorado s’agitent des forêts tronçonnées du centre de la Côte d’Ivoire jusqu’au plateau du Djaddo, dans les confins désertiques du nord du Niger. Depuis la découverte d’un filon d’or saharien allant du Soudan jusqu’en Mauritanie, de pauvres hères, les principales compagnies du secteur mais aussi les groupes djihadistes actifs au Sahel se sont mis à la recherche du précieux métal jaune. L’Afrique de l’Ouest se situe désormais au troisième rang des zones les plus riches en terrains aurifères sur la planète, après l’Australie et le Canada.

Trois pays de la sous-région font aujourd’hui partie des 20 principaux producteurs mondiaux d’or. Le Ghana est devenu le premier producteur du continent, avec 147 tonnes extraites en 2019, devant le Mali (73 tonnes) et le Burkina Faso (64 tonnes). Pour ces trois pays, comme pour le Niger, l’or est le premier produit d’exportation.

Largement « sous-explorée », la région attire un nombre croissant d’acteurs étrangers, comme les Canadiens de Barrick Gold, Iamgold et Endeavour Mining ou l’australien Perseus Mining. Mais si l’essentiel de la production est assuré par des industriels, l’orpaillage clandestin touche tout le Sahel et fait vivre des millions d’orpailleurs artisanaux. Le phénomène a pris une ampleur considérable ces dernières années, au risque de conflits territoriaux entre industriels et artisans, avec le danger de voir des activités agricoles délaissées au profit d’une quête de fortune immédiate.


Les mines d’or artisanales de la zone sahélienne d’Afrique de l’Ouest sont devenues une source de financement et de recrues pour les militants islamistes de la région qui sécurisent des sites ou prélèvent des taxes illicites, selon International Crisis Group.
Une manne convoitée…

L’autre inquiétude est que ce trafic puisse profiter aux réseaux djihadistes. En novembre 2019, l’organisation International Crisis Group (ICG) alertait sur le fait que depuis 2016, au Mali, au Burkina Faso et au Niger, « des groupes armés, y compris djihadistes, trouvent dans les mines d’or une nouvelle source de financement, voire un terrain de recrutement ». D’ailleurs, selon le centre d’analyses norvégien Rhipto, les revenus liés à l’or des groupes armés auraient augmenté de 25 à 40 % en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19 et de la fermeture des frontières, qui ont rendu d’autres sources de revenus plus difficiles à maintenir.

« Les principaux groupes djihadistes du Sahel tirent un avantage financier de l’extraction de l’or – une activité qu’ils considèrent comme légale – dans leurs zones d’influence », a déclaré le groupe de défense des droits basé à Bruxelles. « Ils le font d’une manière qui varie d’une région à l’autre. »

Des groupes armés liés à Al-Qaïda et à l’État islamique ont revendiqué des centaines d’attaques meurtrières en Afrique de l’Ouest. Une insurrection qui a débuté dans le nord du Mali en 2012 s’est étendue au Burkina Faso voisin et menace les États côtiers, notamment le Bénin et la Côte d’Ivoire. L’émergence des djihadistes a coïncidé avec la découverte en 2012 d’un filon d’or qui traverse le désert du Sahara de la Mauritanie au Soudan.

Aujourd’hui selon le site bloomberg on estime que plus de 2 millions de personnes sont directement employées dans les petites exploitations minières au Mali, au Burkina Faso et au Niger, a déclaré le groupe. La ministre minière malienne Lelenta Hawa Baba Ba a déclaré lors d’une conférence organisée cette semaine à Bamako que 400 000 personnes travaillaient dans les mines d’or artisanales du pays, certaines dans des régions où l’État n’exerçait pratiquement aucun contrôle.

Les Etats sahéliens devraient prendre des mesures pour réglementer et sécuriser les sites, a déclaré le Crisis Group. L’or contribue également à la croissance des réseaux internationaux de blanchiment d’argent.

Il y a deux ans, le gouvernement nigérien a fermé la vaste mine de Djado près de la frontière avec le Tchad après les violences qui ont opposé des groupes armés en quête de contrôle. Dans l’est du Burkina Faso, des activistes et des insurgés ont rouvert des zones minières qui avaient été fermées par l’État et ont permis aux populations locales d’accéder aux ressources si elles reprenaient les armes, selon des analystes.


© Le Monde Afrique / Par Cyril Bensimon , Flavie Holzinger , Riccardo Pravettoni et Eric Dedier