ON PLEURE COMME LES CROCODILES (OU PRESQUE)


Une étude comparative des larmes des reptiles et oiseaux avec celle des humains ne montre pas de grandes différences de composition, mais des variations dans les teneurs qui n’ont aucun lien avec la proximité phylogénétique.

Sans larmes, pas de vie possible ou presque. La production de ce fluide complexe à la surface de l’œil permet d’adapter l’organe à son environnement. Les larmes protègent, nourrissent, lubrifient et stabilisent la surface oculaire à un niveau d’équilibre idéal pour la vision. Synthétisées par les glandes lacrymales, elles sont composées de protéines, chlorure, sodium, fer, potassium, calcium et urée. Des expériences comparatives menées sur des chameaux, des chiens, des chevaux et des singes n’ont pas montré de différences significatives avec les humains. Mais qu’en est-il avec des espèces plus éloignées dans l’arbre phylogénétique, celles avec lesquelles l’homme a le moins de points communs ? Une équipe brésilienne vient de répondre à cette question dans Frontiers in Veterinary Sciences. La composition est la même, seules les concentrations changent.

Les chercheurs de l’école de médecine vétérinaire de l’Université fédérale de Bahia ont collecté des larmes auprès d’animaux en bonne santé vivant dans des centres de refuge et de conservation d’animaux sauvages ou chez des éleveurs alimentant le marché des animaux de compagnie. Dix grands aras bleus et jaunes, dix perroquets Amazone à front bleu, dix chouettes effraies, dix buses à gros bec (des rapaces donc) ont constitué l’échantillon des 40 oiseaux étudiés, et 25 reptiles les ont rejoints dont dix tortues charbonnières, dix caïmans à museau large ou caïmans du Brésil et cinq tortues caouanes. Le choix des espèces permet ainsi de couvrir des milieux très différents, aériens pour les oiseaux, maritimes et saumâtres pour les reptiles. Les larmes prélevées ont été comparées à dix humains adultes également en bonne santé.


Collecte de larmes sur un ara. (Arianne P. Oriá)

Des variations importantes dans les teneurs en protéines

Résultats : “bien que les oiseaux et les reptiles aient des organes de production de larmes différents, la plupart des composants de ce fluide sont présents à des concentrations similaires à celles des humains, explique la principale auteure de l’étude Arianne P.Oria dans un communiqué de son université. Mais les structures cristallines sont organisées différemment pour garantir la santé de l’œil et son équilibre dans des environnements variés”. Les chercheurs n’ont en effet pas seulement recherché la composition des larmes. Ils ont aussi investigué les teneurs des différents éléments et constaté des variations qui ne s’expliqueraient que par le milieu dans lequel l’animal évolue. Ce test fait fi de la proximité phylogénétique. Ainsi, les larmes humaines contiennent le plus de protéines devant la chouette effraie et le caïman. En revanche, les larmes de la tortue caouane ont un haut niveau d’urée tandis que l’homme est bon dernier. Toutes les espèces ont cependant un point commun : une présence importante de chlorure, de sodium et de fer. Toutes les larmes sont bien salées.

Cette étude est un résultat important pour comprendre l’importance de la protection des yeux pour les animaux au cours de l’évolution. Mais ce pourrait être aussi un moyen de découvrir de nouveaux médicaments ophtalmiques. C’est du moins ce qu’espèrent les chercheurs brésiliens qui annoncent vouloir désormais élargir les analyses oculaires à des animaux vivant cette fois-ci dans le milieu naturel.