ORIGINES DU COVID-19 : OÙ EN EST L’ENQUÊTE DE L’OMS ?


Le 14 février 2023, la revue scientifique Nature a publié un article annonçant la décision de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) d’arrêter l’enquête sur les origines du virus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19. Les réactions suivant cette annonce nous permettent de revenir sur l’avancée de cette recherche.

« Nous devons être parfaitement clairs sur le fait que l’OMS n’a pas abandonné l’étude des origines du Covid-19″.

Ces mots de Maria Van Kerkhove, responsable technique du Covid-19 à l’OMS, font suite à la publication de Nature, affirmant l’abandon de la deuxième phase de l’enquête sur les origines du virus SARS-CoV-2. Depuis sa détection chez l’Homme en novembre 2019, ce virus responsable de la pandémie de Covid a causé un peu moins de 7 millions de décès, selon Santé Publique France. Les résultats de la première phase de l’enquête menée par l’OMS sur l’émergence du virus avaient été publiés en mars 2021.

Une première phase d’enquête jugée insuffisante

A son retour de Chine en 2021, l’équipe d’experts internationaux et chinois publie un rapport, exposant les quatre scénarios retenus par cette première phase de l’enquête sur les origines du Covid. Ce rapport conclut que l’hypothèse la plus probable est celle de l’introduction du virus par un hôte intermédiaire, suivie d’une transmission zoonotique. Il balaie néanmoins l’hypothèse de la fuite du virus à la suite d’un accident de laboratoire, qui demeure « extrêmement improbable ». Les deux autres scénarios retenus sont considérés comme « probables » par les experts. Il s’agit de celui de la contamination alimentaire et de la transmission zoonotique direct. Dans ce dernier cas, il y aurait transmission du virus d’un hôte réservoir animal, probablement une chauve-souris, à l’Homme, suivie d’une transmission directe de personne à personne, sans hôte intermédiaire. Ces résultats sont alors considérés comme étant provisoires par les experts internationaux qui se préparent à une deuxième phase d’études approfondies sur la base de ces scénarios, visant à déterminer avec précision ce qui est arrivé en Chine fin 2019. « Toutes les hypothèses sont sur la table et méritent des études supplémentaires et complètes », soulignera à plusieurs reprises le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, à la suite de cette première phase d’enquête.

Des hypothèses controversées par un manque de preuve

L’hypothèse de la transmission zoonotique par un hôte intermédiaire, privilégié par l’OMS lors de son rapport en 2021, ne fait pas l’unanimité. Selon elle, un animal intermédiaire aurait permis au virus de passer de son animal réservoir à l’Homme, en subissant ou non, certaines mutations. C’est le cas par exemple pour la maladie de Lyme, transmise de petits mammifères à l’Homme par l’intermédiaire des tiques. Malgré des milliers de tests effectués, qui ont tout de même permis d’innocenter le pangolin, aucun animal intermédiaire n’a été trouvé porteur du SARS-CoV-2. En amont, plusieurs souches proches du SARS-CoV-2 ont été découvertes dans des colonies de rhinolophes vivant dans des grottes du sud de la Chine et des pays frontaliers. C’est le cas du virus RatG13 collecté dans la province de Yunnan, semblable à 96,2% au virus responsable du Covid. Mais les cousins les plus proches du SARS-CoV-2, avec un taux de similitude allant de 96,9% à 97,4%, se trouvent chez des virus hébergés par des rhinolophes du Laos. Toutefois, un détail fait toute la différence : ces virus ne possèdent pas de site de clivage par la furine (SCF), spécificité du SARS-CoV-2 le rendant particulièrement contagieux.

Si l’hypothèse d’une fuite de laboratoire est d’abord popularisée par une injonction de Donald Trump et du camp Républicain, puis qualifiée de complotiste, l’absence de preuves concrètes pouvant mener à sa réfutation par les experts interroge certains scientifiques. Sans chercher à trancher cette question, quelle preuve scientifique suffirait à préférer l’hypothèse de la transmission naturelle par un hôte intermédiaire à celle de l’accident de laboratoire ? « Pour prouver que le virus vient bien de la nature, il faudrait soit mener une investigation dans ces grottes et y retrouver la séquence du virus avec un SCF, telle qu’on la trouve sur l’Homme, soit identifier sur un animal intermédiaire, un virus très proche, lui-aussi muni du SCF. Jusqu’à présent, ce n’a pas été le cas », déclare Renaud Piarroux, professeur à la faculté de médecine de la Sorbonne, à Sciences et Avenir. Ces interrogations des chercheurs montrent une volonté d’approfondir les recherches entamées par l’OMS.

Malgré un blocage de la Chine, l’OMS appelle à poursuivre la recherche 

« Nous continuons de demander davantage de coopération et de collaboration avec nos collègues chinois, pour avancer sur les études qui doivent prendre place en Chine », affirme Maria Van Kerkhove, responsable technique de la gestion de l’épidémie de Covid-19 à l’OMS, le 15 février 2023. Dans cette même vidéo de l’OMS (voir tweet en début d’article), en réaction à l’article de Nature publié la veille, la direction de l’organisation se veut rassurante sur sa volonté de poursuivre la recherche des origines de cette pandémie. Pourtant, la deuxième phase d’enquête se fait toujours attendre par les chercheurs, qui ont appelé à son lancement dans un communiqué publié en août 2021. Ce même communiqué appelait déjà à « dépolitiser » la situation. Deux ans plus tard, cette enquête semble toujours au point d’arrêt, empêchée notamment par le refus de la Chine de coopérer, en permettant par exemple une analyse des documents et protocoles relatifs à la biosécurité du laboratoire P4 de Wuhan, ou en ouvrant les différents sites nécessaires à l’enquête.

L’OMS ne baisse pas les bras. En juillet 2021 est créé un Groupe consultatif scientifique sur les origines des nouveaux agents pathogènes (SAGO). Sa mission est claire : « Conseiller l’OMS sur l’élaboration d’un cadre mondial de l’OMS visant à définir et à orienter les études sur les origines des agents pathogènes émergents et réémergents à potentiel épidémique et pandémique. ». Ses actions se substitueront à la phase 2 de l’enquête sur les origines du Covid-19, « qui a une dimension à la fois scientifique et morale », assure son directeur, dans le communiqué vidéo du 15 février 2023.

Ainsi, cette publication de Nature permet à l’OMS de réaffirmer publiquement son engagement dans la poursuite de l’enquête, et sa volonté de collaborer avec la Chine.