LA MISSION TARA MICROBIOME MONTRE QUE LA POLLUTION AU PLASTIQUE DES FLEUVES AFRICAINS EST DIFFÉRENTE DE CELLE DES FLEUVES EUROPÉENS


La mission Tara microbiome qui vient de s’achever a exploré les côtes et les fleuves africains, afin notamment d’en étudier la pollution plastique. Les scientifiques détectent moins de microplastiques dans les fleuves qu’en Europe, mais plus de macro-plastiques autour des villes et villages.

La mission Tara Microbiome est rentrée au port de Lorient en octobre 2022 après près de deux ans d’expédition scientifique. Pendant cette campagne, la goélette scientifique de 36 mètres de long a sillonné les mers autour de l’Amérique du Sud, les eaux de l’Antarctique pour remonter le long de la côte ouest africaine. C’est sur cette dernière partie du voyage qu’a embarqué Jean-François Ghiglione, directeur de recherche au laboratoire d’océanologie de Banyuls-sur-Mer, pour étudier l’impact des fleuves et de leur pollutions plastiques sur l’océan Atlantique et ses communautés microbiennes. Les scientifiques ont pour cela collecté des échantillons dans le panache des fleuves Orange et Congo, ont remonté les fleuves Gambie et Casamance. 

Les fleuves européens les plus pollués aux microplastiques : la Tamise en Angleterre et le Tibre en Italie

Cette mission vient compléter celle menée en 2019 dans les fleuves européens pour quantifier et cartographier la pollution plastique rejoignant les océans depuis les bassins versants des fleuves. « Nous avons montré à cette occasion que la pollution plastique est partout, dans tous les échantillons prélevés, souligne Jean-François Ghiglione ! Les nouveaux protocoles élaborés en Europe ont été déployés cette fois en Afrique. La pollution plastique sur ces côtes d’Afrique orientale s’avère différente de celle détectée en Europe : on y trouve moins de débris d’emballages, mais beaucoup plus de filets de pêche et de vêtements ». 

La majeure partie des plastiques arrivent dans les océans sous forme de microplastiques. Ils ont été retrouvés dans tous les prélèvements effectués au cours de la mission européenne. « Les fleuves les plus pollués s’étaient alors avéré être la Tamise en Angleterre et le Tibre en Italie, souligne Jean-François Ghiglione. Pour ce dernier, on sait que c’est parce que la mafia a en charge la gestion des déchets et qu’en réalité elle ne le fait pas. Pour la Tamise, il y a sans doute en amont des producteurs de plastique, car on a trouvé beaucoup de plastiques primaires très petits, de ceux que l’on utilise dans les cosmétiques. Mais depuis le Brexit, les scientifiques britanniques sont peu enclins à collaborer, donc nous n’avons pas pu mener l’enquête plus loin. Les autres fleuves européens sont à peu près tous au même niveau de pollution, importante ».

Les paysages de mangroves et de rizières des côtes atlantiques de l’Afrique ont présenté des caractéristiques différentes. Une pollution de macroplastique très dense se concentrait autour des villages qui bordent les fleuves. Mais les fleuves eux-mêmes drainent moins de microplastiques de tailles inférieures à 5 mm qu’en Europe, à l’exception des eaux limitrophes des grandes villes situées au bord des estuaires.

« Le plastique qui stagne dans les gyres est plus ancien que ce qu’on ne le pensait »

De retour au laboratoire, les chercheurs vont maintenant analyser chimiquement les échantillons pour comprendre quels polluants entrent dans les eaux océaniques au cours de leur dégradation. Ils vont également étudier la vie (microbes, bactéries, microalgues, …) qui se développe sur ces mini-radeaux capables de parcourir de grandes distances et de disséminer des pathogènes. Il leur faudra aussi déterminer quelles sont leurs interactions avec les micro-organismes qui composent le microbiome de l’océan.  

Les échantillons prélevés en Europe et en Afrique permettent d’effectuer des comparaisons avec ce que prédisent les modèles en fonction du nombre d’habitants et de la morphologie des bassins versants. Les premiers résultats des études sur les microplastiques océaniques « montrent que l’on a surestimé la quantité de plastiques qui sort du fleuve, note Jean-François Ghiglione. Ce qui signifie que le plastique qui stagne dans les gyres est plus ancien que ce qu’on ne le pensait. Le plastique, marqueur de l’Anthropocène, pourrait ainsi perdurer plusieurs dizaines à plusieurs centaines voire milliers d’années dans l’environnement ! »