LA « COP AFRICAINE » RISQUE DE S’AVÉRER DÉCEVANTE POUR LE CONTINENT


Présentée comme une « COP africaine » par ses organisateurs, le prochain rendez-vous sur le changement climatique en Egypte risque pourtant une nouvelle fois de s’avérer décevant pour un continent durement frappé par ses conséquences, estiment des militants et des scientifiques.

La COP27, 27ème conférence de l’ONU sur le climat, s’ouvre le 6 novembre à Charm el-Cheikh en Egypte. La présidence égyptienne veut en profiter pour mettre en avant les demandes de l’Afrique.

C’est l’occasion en théorie pour les pays africains de pousser à l’adoption d’un mécanisme de prise en compte des « pertes et dommages » provoqués par le changement climatique, auxquels ils sont durement exposés. Ils espèrent une contribution financière spécifique des pays développés, à l’origine d’une majorité des émissions de gaz à effet de serre.

« Historiquement, l’Afrique est responsable de moins de quatre pour cent des émissions mondiales mais les Africains souffrent de certains des effets les plus brutaux de la crise climatique », souligne la jeune militante Ougandaise Vanessa Nakate.

« Nous avons besoin de soutien financier pour faire face aux pertes et dommages que nous subissons à travers le continent. Les pollueurs doivent payer pour compenser les destructions qu’ils ont causées », demande-t-elle.

Mais les pays riches ont rejeté l’an dernier, lors de la COP26 de Glasgow, l’établissement d’un tel mécanisme financier dans l’immédiat, acceptant un simple calendrier de « dialogue » sur des compensations financières.

Les militants espèrent pourtant que le sujet pourra revenir sur la table à Charm el-Cheikh au moment où la planète est confrontée à une série d’inondations, canicules et sécheresses.

« Lésés »

Ces catastrophes sont particulièrement sévères pour l’Afrique. Selon une étude récente du Carbon Brief, les événements météorologiques extrêmes ont tué au moins 4.000 personnes et en ont déplacé 19 millions à travers le continent rien que depuis le début de l’année.

La sécheresse actuelle dans la Corne de l’Afrique affecte ainsi les conditions de vie de plus de 9 millions de personnes et par ailleurs 1,4 million d’habitants du Nigeria ont été déplacés ces dernières semaines en raison des inondations, les plus graves jamais enregistrées dans ce pays.

Les experts de l’ONU sur le climat – le Giec – avaient en février spécifiquement alerté sur les risques auxquels sont exposés de nombreux pays d’Afrique, de la baisse des rendements agricoles à la mortalité liée aux chaleurs extrêmes en passant par la montée des eaux.

« Les pays africains estiment avoir été significativement lésés parce qu’ils sont les plus vulnérables aux effets du changement climatique », explique Chukwumerije Okereke, de l’université britannique de Reading.

« Le meilleur moyen d’éviter des effets plus dévastateurs sur le continent est de décarboner rapidement », souligne-t-il.

Une nouvelle stratégie de financement de la transition énergétique avait vu le jour à Glasgow, des pays riches s’engageant à fournir 8,5 milliards de dollars à l’Afrique du Sud, sous forme de dons et de prêts, pour réduire sa dépendance au charbon.

Mais les besoins sont énormes: la Banque mondiale estimait cette semaine que le pays aurait besoin d’au moins 500 milliards de dollars pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

« Fausses promesses »

Susan Chomba, directrice de l’ONG africaine Vital Landscapes, espère que les gouvernements utiliseront la COP27 pour encourager les investissements verts en Afrique. « Nous devons utiliser les ressources qui sont à notre portée », plaide-t-elle.

Les progrès lors des récentes COPs ont toutefois été contrariés par la promesse non tenue des pays riches de porter à 100 milliards de dollars par an l’aide aux pays en développement pour la lutte contre le changement climatique.

La militante rwandaise Ineza Grace espère désormais que la COP27 permettra de « restaurer la confiance » après « toutes ces fausses promesses ».

Chukwumerije Okereke prévient toutefois qu’un éventuel mécanisme de financement des pertes et dommages pourrait mettre « quatre ou cinq ans » avant de se matérialiser, même en cas d’accord.

« Donc les pays pauvres devraient se rendre compte que même si l’obtention d’un nouveau mécanisme (de financement) représenterait une victoire, cela ne se traduira pas nécessairement par un afflux de dollars », met-il en garde.