STIMULER LE CERVEAU AGIT-ELLE SUR LA PERFORMANCE PHYSIQUE ?


Les progrès en neuroimagerie ont apporté un nouvel éclairage sur la fatigue physique et le rôle du cerveau qui agirait comme une sorte de régulateur de l’organisme afin d’éviter son emballement. Aussi, les travaux sur la stimulation transcrânienne et les potentielles améliorations des performances musculaires intéressent-ils depuis toujours le monde sportif. Où en sont les recherches sur ce « neuro-dopage » ?

La fatigue, au sens commun, est une sensation d’affaiblissement physique ou cognitif, et se traduit par une difficulté à poursuivre l’effort. Les limites physiques de la performance humaine font l’objet d’études depuis un temps considérable.

À partir des années 1890, deux ouvrages du Dr Fernand Lagrange et du Dr Angelo Mosso marquent le début de l’histoire de l’étude du phénomène de la fatigue musculaire au cours de l’exercice chez l’Homme. La plupart des travaux de recherche au cours du XXe siècle ont porté leur attention sur les muscles locomoteurs, les poumons ou encore le cœur, tous considérés comme un des possibles déterminants organiques majeurs dans l’étiologie de la fatigue et donc de la performance à l’exercice.

Le rôle du cerveau dans la fatigue

Une grande partie de la littérature a ignoré pendant de nombreuses années l’importance du cerveau dans la régulation de la performance physique. Or, la fatigue musculaire a été suggérée au début du XXe siècle comme un processus physiologique associé à une sensation faisant intervenir le cerveau comme organe décisionnel, une sorte de régulateur permettant de préserver l’organisme de tout désordre catastrophique engendré par un exercice mené jusqu’à l’épuisement de ses réserves physiologiques. On s’aperçoit que cette approche « catastrophe » énoncée il y a plus d’un siècle rejoint les approches les plus contemporaines de la fatigue musculaire (modèle dit de la « chasse d’eau » ou modèle psychophysiologique) débattues à travers le modèle dit du gouverneur central.

Avec l’introduction et le développement de nouveaux dispositifs (équipement de neuroimagerie et de stimulation cérébrale) non invasifs, les connaissances concernant le comportement du cerveau pendant l’exercice ont progressé. Une première étape a été réalisée à partir d’études exploitant des méthodes de neuroimagerie qui permettent d’identifier différentes zones actives du cerveau au cours d’un exercice musculaire.

En outre, durant cette dernière décennie, une technique non invasive de stimulation cérébrale par application d’un faible courant électrique (1-2 mA) via des électrodes a été au cœur d’une intense recherche dans la quête de modifier le fonctionnement de notre cerveau. À la lecture de publications scientifiques, on est tenté de croire que l’application d’une stimulation transcrânienne à courant continu (tDCS) sur différentes zones du cerveau peut accroître la performance physique. Mais qu’en est-il réellement ?

Absence importante de preuves des effets de la stimulation cérébrale sur la performance

Le nombre d’études expérimentales sur l’effet de la tDCS sur les performances physiques augmente rapidement, mais avec d’importantes limites méthodologiques à prendre en compte. À ce jour, le nombre d’études demeure encore limité et les mécanismes physiologiques par lesquels la tDCS pourrait améliorer les performances physiques sont en partie inconnus. La potentielle amélioration des performances physiques identifiées pour quelques études semble résulter d’une plus grande activation transitoire des neurones corticaux après une courte séquence de 10 à 20 min de tDCS.

Cependant, peu d’études ont mesuré l’activité cérébrale après et pendant (effets online) une séquence de tDCS couplée à l’exercice. Deuxièmement, la propagation du champ électrique induit dans le cerveau par tDCS est très diffuse. Troisièmement, la grande majorité des études sont basées sur de très petits échantillons, ce qui pourrait augmenter la probabilité de résultats avec des faux positifs comme souvent en neuroscience. Enfin, l’absence de procédure en aveugle a pu conduire à un nombre d’effets psychologiques confondants non désirés qui a pu jouer un rôle important sur la trop grande variabilité des résultats observés.

Stimuler le cerveau pour booster les performances : vers du neuro-dopage ?

Certains auteurs ont déjà fait valoir que le tDCS peut être considéré comme une nouvelle forme de dopage, même si le scepticisme quant à la validité et à la reproductibilité des effets de la tDCS a également été énoncé. La tDCS peut potentiellement améliorer les performances sportives de deux manières, soit en modulant l’activation cérébrale juste avant une épreuve sportive, soit en réorganisant l’activité du cortex cérébral après de multiples applications (hypothèse d’une plus grande efficacité neurale). Comme discuté dans la section précédente, les méta-analyses récentes ont une position très réservée sur les effets aigus de la tDCS sur la performance et aucune étude n’a encore été menée sur les effets de l’administration chronique de tDCS sur la performance physique.