Les hippopotames sont capables de reconnaître la voix de leurs congénères


Dans une étude, des chercheurs ont montré que les hippopotames sont capables de distinguer les voix de leurs congénères et d’adapter leur comportement en fonction. Ils sont plus agressifs avec un étranger qu’avec un voisin ou un membre de leur groupe. Cette découverte pourrait avoir une utilité dans les politiques de conservation de ces mammifères emblématiques du continent africain.

Le dialogue est au cœur des communautés d’hippopotames (Hippopotamus amphibius) qui peuvent déterminer si un individu leur est familier ou non en fonction de sa voix. Leur grognement caractéristique est particulièrement fort et peut être entendu à près d’un kilomètre à la ronde. Dans une étude publiée dans la revue Current Biology le 24 janvier 2022, des chercheurs en bioacoustique de l’Université de Saint-Etienne ont étudié le comportement des hippopotames en fonction des grognements de leurs congénères. Ils ont déterminé que les hippopotames réagissent différemment en fonction de l’origine du son. Ainsi, les hippopotames peuvent être plus ou moins agressifs si le grognement vient d’un voisin ou d’un étranger.

Un comportement adapté à l’origine de son interlocuteur

Pour mener leur expérience, les scientifiques français se sont rendus à la réserve spéciale de Maputo (Mozambique) et ont étudié différents groupes d’hippopotames. Ils ont installé des haut-parleurs à une centaine de mètres des lacs où habitent les grands mammifères semi-aquatiques. Les scientifiques ont ensuite diffusé les grognements d’hippopotames plus ou moins proches de ceux peuplant les lacs. Ils ont ainsi pu observer que les hippopotames réagissent différemment en fonction de l’origine du son. Alors que le son d’un membre du même groupe produira une réaction peu agressive, les hippopotames répondront en faisant le même bruit, celui d’un étranger entraînera une réaction de défense durant laquelle l’animal marquera son territoire. Lorsque le son vient d’un animal voisin vivant dans le même lac, leur réaction est similaire à celle qu’ils ont avec un individu du même groupe. “En plus de montrer que les hippopotames sont capables d’identifier leurs congénères en fonction de leur signature vocale, notre étude souligne le fait que les groupes d’hippopotames sont territoriaux et agissent moins agressivement avec leurs voisins qu’avec des étrangers” souligne Nicolas Mathevon, un des co-auteurs de l’étude et membre de l’équipe de recherche de neuro-ethologie sensorielle à l’Université de Saint-Étienne, dans un communiqué paru dans le journal Current Biology.

Selon l’équipe de scientifiques, cette réaction s’explique par un comportement éthologique appelé l’effet « cher ennemi ». Celui-ci se traduit par une agressivité moindre chez les animaux avec leur voisin. Ils se préservent des conflits avec les populations connaissant les limites territoriales qui leur sont dédiées. Ils conservent leur énergie, leur temps et limitent le risque de blessure en évitant des comportements agressifs avec des voisins qui ont déjà leur territoire et qui ne sont pas un véritable danger pour eux. D’un autre côté, les animaux employant cette stratégie auront plus tendance à être agressifs avec tout individu étranger pénétrant dans leur territoire. 

Une découverte pouvant aider à la conservation de l’espèce

Les hippopotames sont vulnérables et subissent une perte de leur habitat à cause des activités humaines et sont, de plus, victimes de braconnage. Ainsi, cette nouvelle connaissance concernant ces herbivores emblématiques du continent africain pourrait être utile dans les politiques de conservation. “Avant de relocaliser un groupe d’hippopotames dans un nouvel endroit, une précaution adéquate pourrait être de diffuser leurs voix via des haut-parleurs auprès des groupes déjà présents pour qu’ils puissent s’habituer aux futurs résidents et qu’ils aient ainsi un comportement moins agressif. Réciproquement, pour les animaux qui déménagent, il serait aussi intéressant de les habituer à la voix de leurs futurs voisins”, explique Nicolas Mathevon. Les chercheurs souhaitent mener de nouvelles expériences plus spécifiques pour voir si les hippopotames réagissent différemment en fonction du sexe, de la taille ou de l’âge de l’animal émettant le grognement.