POURQUOI OMICRON POURRAIT ÊTRE LE DERNIER VARIANT « PRÉOCCUPANT »


Les virus évoluent tous avec le temps. Le SARS-CoV-2, responsable de la Covid-19, a déjà muté plusieurs fois, créant de nombreux variants dont ceux nommés Alpha, Bêta ou encore Delta. Avec une capacité de propagation inédite, le variant Omicron actuellement en circulation sera-t-il le dernier variant dit « préoccupant » ?

La question de savoir si les virus sont vivants reste controversée mais, comme tous les êtres vivants toutefois, ils évoluent. Ce fait est apparu très clairement au cours de la pandémie, avec l’émergence régulière de nouveaux variants préoccupants venant bousculer l’actualité.

Certains de ces variants se sont révélés plus efficaces que d’autres pour se propager d’une personne à l’autre, et ont fini par devenir dominants en supplantant les versions plus lentes du SARS-CoV-2, le virus responsable de la Covid-19.

Cette meilleure capacité de propagation a été attribuée à des mutations de la protéine Spike – les projections en forme de champignon à la surface du virus – qui lui permettent de se lier plus fortement aux récepteurs ACE2. Les ACE2 étant des récepteurs situés à la surface de nos cellules, comme celles qui tapissent nos voies respiratoires, auxquels le virus s’attache pour entrer et commencer à se répliquer.

Ces mutations ont permis aux variants Alpha puis Delta de devenir dominants au niveau mondial. Et les scientifiques s’attendent à ce que la même chose se produise avec Omicron.

Un virus ne peut cependant pas s’améliorer indéfiniment.

Omicron, « meilleure » version possible du SARS-CoV-2 ?

Les lois de la biochimie font que le SARS-CoV-2 finira par développer une protéine Spike se liant à l’ACE2 aussi fortement que possible. À partir de là, la vitesse de propagation du virus ne sera plus limitée par sa capacité à se fixer à nos cellules ; d’autres facteurs viendront limiter sa diffusion, comme la vitesse de réplication de son génome, celle à laquelle il peut pénétrer dans la cellule et la quantité de nouveaux virus qu’un humain infecté pourra produire et disséminer.

En principe, tous ces facteurs devraient finir par évoluer vers des performances maximales.

Omicron a-t-il atteint cet apogée ? Il n’y a pour l’heure aucune raison de penser que oui… Les études dites de « gain de fonction », qui examinent les changements dont le SARS-CoV-2 a besoin pour se propager plus efficacement, ont identifié de nombreuses mutations potentielles qui amélioreraient la capacité de la protéine Spike à se lier à nos cellules et qu’Omicron ne possède pas. En outre, des améliorations pourraient être encore apportées à d’autres aspects du cycle de vie du virus, comme la réplication du génome, ainsi que je l’ai mentionné plus haut.

Mais supposons un instant qu’Omicron est bien le variant « ultime », celui dont la capacité de propagation est maximale…

En effet, peut-être les lois de la probabilité génétique font-elles que le SARS-CoV-2 ne pourra guère faire mieux ? De la même manière que les zèbres n’ont pas développé d’yeux à l’arrière de leur tête pour éviter les prédateurs, il est plausible que le virus de la Covid ne puisse pas atteindre son maximum théorique car il devrait pour cela obtenir toutes les mutations potentielles nécessaires en même temps – ce qui serait trop improbable.

Mais même dans un scénario où Omicron serait le meilleur variant en termes de propagation entre humains, de nouveaux variants continueront à apparaître pour tenter de contourner nos défenses immunitaires.

Après une infection virale, le système immunitaire s’adapte en produisant des anticorps, qui se fixent sur l’intrus pour le neutraliser, et des cellules T tueuses, qui détruisent les cellules infectées. Les anticorps sont de petites molécules protéiques qui reconnaissent spécifiquement certaines portions du virus, et les cellules T tueuses reconnaissent également les cellules infectées par leur forme altérée. Le SARS-CoV-2 peut tenter d’échapper au système immunitaire en changeant suffisamment pour que son « apparence » ne soit plus reconnue par nos cellules de défense.

C’est pourquoi Omicron réussit apparemment si bien à infecter des personnes déjà immunisées, par la vaccination ou une infection antérieure : les mutations qui permettent à sa protéine Spike de mieux se lier à notre ACE2 réduisent également la capacité des anticorps à reconnaître le virus et à le neutraliser.

Par contre, les données de Pfizer suggèrent que les cellules T devraient répondre de la même manière à Omicron et aux variantes précédentes. Ce qui correspond à l’observation selon laquelle le nouveau variant a un taux de mortalité plus faible en Afrique du Sud, où la plupart des gens sont immunisés.

Ce qui est un point important : une exposition passée semble donc encore protéger contre les formes les plus graves de la maladie et la mort. Nous sommes donc dans une situation de « compromis », où le virus peut se répliquer et réinfecter d’anciens malades, mais où nous ne sommes pas aussi gravement malades que la première fois.

Futur possible

C’est là que réside l’avenir le plus probable de ce virus – et nous. Même s’il se comporte comme un joueur professionnel et finit par maximiser toutes ses statistiques, il n’y a aucune raison de penser qu’il ne sera pas contrôlé et éliminé par le système immunitaire. Les mutations qui améliorent sa capacité de propagation n’augmentent pas beaucoup le nombre de décès.

Ce virus au mieux de ses capacités pourrait alors juste continuer à muter de manière aléatoire, en changeant suffisamment au fil du temps pour devenir méconnaissable pour les défenses adaptées du système immunitaire et permettant des réinfections.

Nous pourrions avoir une saison de Covid chaque hiver, de la même manière que nous avons déjà une saison de grippe à la même période. Les virus de la grippe peuvent également présenter un schéma de mutation similaire au fil du temps, connu sous le nom de « dérive antigénique », ce qui entraîne des réinfections. Les nouveaux virus annuels de la grippe ne sont pas nécessairement meilleurs (plus performants) que ceux de l’année précédente, mais simplement suffisamment différents.

Le meilleur argument en faveur de cette éventualité pour le SARS-CoV-2 est peut-être qu’il existe déjà un coronavirus voisin, le HCoV-229E, qui a évolué en ce sens et est un des responsables de nos rhumes.

Omicron ne sera donc pas le variant final… mais il pourrait être le dernier variant dit « préoccupant » selon la terminologie de l’OMS. Si nous avons de la chance, et il faut rappeler que l’évolution de cette pandémie est difficile à prévoir, le SARS-CoV-2 pourrait devenir un virus endémique qui mute lentement avec les années.

La maladie résultante pourrait devenir bénigne, car une ou des expositions antérieures peuvent créer une immunité capable de réduire la probabilité d’hospitalisation et de décès. La plupart des gens seraient alors infectés une première fois enfants, ce qui pourrait se produire avant ou après un vaccin, et les réinfections ultérieures seraient à peine remarquées…