Au Rwanda, une ingénieure veut convaincre les filles de se lancer en sciences


Les sciences changent la vie des Africaines. La start-up Starlight, créée par Alice Mukashyaka, met en lumière des femmes reconnues dans les métiers des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques.

Alice Mukashyaka, longues dreadlocks relevées en queue-de-cheval et veste rose cintrée, boit son chocolat chaud à petites gorgées. La jeune femme a donné rendez-vous dans un café branché de Kigali, où se retrouvent expatriés et jeunes Rwandais aisés pour discuter et travailler sur leur ordinateur portable. Depuis que la crise du coronavirus est venue mettre un coup de frein à ses projets, c’est d’ici, ou de chez elle, dans le quartier de Kacyiru, que cette ingénieure passionnée d’éducation de 26 ans gère sa start-up, Starlight.

Lancée en 2016, l’entreprise ambitionne d’inspirer les jeunes Rwandaises à s’engager dans des filières STIM, un acronyme désignant les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. Dans un pays où plus de 70 % de la population travaille dans le secteur agricole et où les normes sociales ont encore la vie dure, elles sont peu nombreuses à emprunter ces voies pourtant indispensables au développement du pays, selon Alice Mukashyaka.

 Alice Mukashyaka 
Tremplin

La jeune femme sait de quoi elle parle. Originaire d’une famille rurale du nord du Rwanda, elle était l’une des rares filles de sa classe à poursuivre des études d’ingénieure après le lycée. « Les garçons disaient que c’était trop dur pour nous et que cela ne servirait à rien puisque de toute façon nous allions nous marier et faire autre chose. Aujourd’hui, cela n’a pas vraiment changé, c’est toujours un défi pour les jeunes filles », explique-t-elle.

Alice se souvient de plusieurs de ses camarades abandonnant ces matières pour se tourner vers les sciences humaines, considérées comme plus « féminines ». Depuis maintenant près de cinq ans, elle bataille au quotidien pour incarner au sein de Starlight un modèle pour les jeunes Rwandaises et leur montrer que d’autres femmes, avant elle, ont suivi le même chemin.

En 2017, sa start-up s’est associée à l’ONG américaine Career Girls pour concevoir un programme pédagogique composé d’exemples de carrière dans les STIM et de vidéos de femmes reconnues dans ces secteurs. « Jusque-là, il n’y avait pas ce type d’aide à l’orientation au Rwanda », souffle Alice. Pourtant, « souvent, les élèves aiment ces matières mais ne savent pas exactement quels sont les débouchés ».

A ce jour, Starlight Africa a fait suivre ses ateliers à environ 4 000 élèves dans le pays et levé 100 000 euros de fonds. Un beau tremplin, même si son activité a été mise entre parenthèses depuis début 2020, quand les écoles du pays ont fermé leurs portes à cause du coronavirus. Une mise en sommeil un peu longue à son goût, mais comme les élèves sont récemment retournés en classe, Alice prévoit de reprendre ses programmes en décembre.

Tout réussir

En parallèle à son nouvel objectif numéro un de 2022 : la commercialisation du produit qui, Alice l’espère, fera de son entreprise une productrice de kits solaires éducatifs. « Nous voulions introduire une méthode d’enseignement des STIM drôle et attractive », explique-t-elle. Ces kits, accompagnés d’un manuel, permettent aux élèves de construire une torche solaire en quelques heures et de mettre en pratique les enseignements théoriques délivrés par les enseignants.https://878deb422cb7791cbcbe589fa1c9872a.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-38/html/container.html

Après les avoir utilisés lors des ateliers dans les classes, Starlight espère pouvoir les vendre à des écoles dans le pays. « Au Rwanda, doter les élèves de compétences utiles pour le monde du travail reste un défi, même si le gouvernement fait des efforts dans ce sens. Ici on étudie parfois encore l’ingénierie de manière seulement théorique, sans avoir vraiment l’opportunité d’aller sur le terrain », regrette-t-elle.

Starlight espère aujourd’hui pouvoir lever de nouveaux fonds. Une tâche difficile dans le contexte actuel, admet la jeune entrepreneuse, qui reste malgré tout optimiste. En attendant, et comme elle ne lâche rien, Alice Mukashyaka continue de se consacrer à sa passion, l’éducation, en tant que chef de plaidoyer dans un projet de recherche sur l’éducation du futur dans le cadre d’un rapport commandé par l’ONG Restless Development, qui sera présenté en décembre lors du sommet Rewired sur l’éducation à Dubaï. Scientifique, financière et éducatrice… tout faire à la fois. Et tout réussir, tel est son défi.