AU VENEZUELA, LES ÉCLAIRS DE CATATUMBO OU LE « SOURIRE DE LA NUIT »


Dans la nuit noire, d’innombrables éclairs illuminent le ciel et le village sur pilotis du lac de Maracaibo, dans le nord-ouest du Venezuela : ce phénomène, qui se répète une centaine de jours par an à l’embouchure de la rivière Catatumbo fait de la zone la capitale mondiale des éclairs.

Des poètes et des musiciens ont surnommé le secteur le « phare de Catatumbo ». Phare parce que la régularité de luminosité pourrait faire croire qu’un phare a été installé dans le delta de la rivière. Et que les pêcheurs se guident grâce à cette lumière.

Certaines nuits, en plus des éclairs, la voie lactée et ses milliers d’étoiles apparaît nettement dans le ciel, offrant un spectacle féérique qui ferait presque penser à un mauvais montage de cinéma tant il paraît irréel.

Le spectacle est de plus favorisé par l’absence de lumière… Ici l’électricité n’arrive pas et les rares installations ou villages disposant de groupes électrogènes ne les allument plus guère en raison de la pénurie d’essence provoquée par la crise économique que traverse le pays.

Seule lumière artificielle, quelques lampes torches utilisées de temps à autres sur le lac par des pêcheurs au travail.

Des éclairs au-dessus du lac de Maracaibo, dans le nord-ouest du Venezuela, le 11 septembre 2021afp.com - Federico PARRA
Records

Pas de quoi perturber la vision du ballet des éclairs. Certains zigzaguent, d’autres se percutent ou se croisent dans le ciel. Certains touchent l’eau si rapidement que l’oeil peine à les enregistrer tout en percevant la lumière produite.

Marianela Romero, pêcheuse de 40 ans, apprécie les éclairs. « Je les adore, parce que grâce à « eux on voit où l’on va », affirme-t-elle, le visage éclairé sporadiquement par les rayons de lumière.

Le phénomène, souvent baptisé « l’éclair de Catatumbo » comme s’il n’y en avait qu’un, est silencieux — sans tonnerre audible.

Pêcheur, Nerio Romero accueille régulièrement dans sa modeste maison du Parc naturel de Cienaguas de Juan Manuel, des touristes désireux de profiter du spectacle.

Il propose un parcours en bateau de trois heures à travers le parc où l’on peut voir singes et dauphins, avant de s’installer pour regarder tomber la foudre.

Un éclair au-dessus du lac de Maracaibo, dans le nord-ouest du Venezuela, le 11 septembre 2021afp.com - Federico PARRA

Mais, le phénomène attire aussi des scientifiques.

Le spécialiste de l’environnement vénézuélien Erik Quiroga a fait inscrire la zone dans le livre Guinness des records en 2014. A l’époque, les experts avaient recensé 250 éclairs par km2 sur une année.

En 2016, la Nasa a confirmé ce niveau élévé, en enregistrant 233 impacts par km2 sur l’année.

« Auparavant, les chercheurs avaient identifié le bassin du Congo en Afrique comme l’endroit d’activité maximal des éclairs », rappelle un communiqué de la Nasa de 2021.

Selon l’agence spatiale américaine, le lac de Maracaibo bénéficie d’une géographie et d’un climat favorisant le développement de tempêtes électriques avec en moyenne « 297 tempêtes électriques nocturnes par an », avec une pointe en septembre.

Erik Quiroga, qui a découvert les éclairs quand il était enfant, travaille sur le sujet depuis 26 ans mais ne s’en lasse pas. « C’est le sourire de la nuit », dit-il.



Par Margioni BERMÚDEZ © 2021 AFP