72 % DE L’HUMANITÉ EST PRIS DANS UN « PIÈGE DE PAUVRETÉ ÉCOLOGIQUE »


Pour garantir l’accès de ses citoyens aux ressources et aux services de base (soins de santé, infrastructures, etc.), un pays a besoin soit de suffisamment de ressources naturelles à l’intérieur de ses frontières pour compenser son empreinte écologique, soit de suffisamment d’argent pour répondre à ces besoins par le biais du commerce international. Si aucune de ces deux conditions n’est remplie, le pays peut se retrouver dans un “piège de pauvreté écologique”. Selon une nouvelle étude, la grande majorité de la population mondiale vit dans de tels pays qui présentent à la fois un déficit en ressources naturelles et un revenu inférieur à la moyenne mondiale.

Un piège à pauvreté est créé lorsqu’un système économique exige une quantité relativement importante de capital afin de gagner suffisamment pour échapper à la pauvreté. En raison de son mécanisme en spirale, ce cercle vicieux oblige les gens à rester pauvres.

Mais la pauvreté peut être utilisée pour décrire une rareté bien plus large que le simple manque de capital monétaire. Dans leur nouvelle étude, des chercheurs affiliés au Global Footprint Network, un organisme de recherche qui vise à modifier la façon dont le monde gère ses ressources naturelles et réagit au changement climatique, introduisent le concept de “piège de pauvreté écologique” (ecological poverty trap).

Ce terme décrit à la fois le manque de capital économique et le manque de ressources naturelles, notamment biologiques, par rapport aux besoins d’une population.

En 2020, la demande mondiale de ressources biologiques a dépassé d’au moins 56 % la quantité produite par les écosystèmes de la Terre. Parmi les exemples, citons la déforestation à un rythme supérieur à celui de la croissance des forêts, l’épuisement des eaux souterraines à un rythme supérieur à leur capacité de régénération et la surpêche.

En d’autres termes, pour maintenir nos modes de vie, nous aurions besoin d’au moins une Terre et demie. Il est donc clair que nous sommes actuellement en train de largement dépasser les ressources naturelles de la planète.

Mathis Wackernagel, le président du Global Footprint Network, et ses collègues ont analysé le déficit écologique, c’est-à-dire la quantité de ressources biologiques qu’un pays consomme en plus de ce que ses écosystèmes peuvent renouveler, de divers pays entre 1980 et 2017.

Les chercheurs ont classé les pays en quatre catégories en fonction de ce déficit écologique, ainsi que de leur produit intérieur brut (PIB).

En 1980, environ 57 % de la population mondiale vivait dans un pays en déficit écologique (déficit de biocapacité) et dont le revenu était inférieur à la moyenne mondiale. Ce chiffre est passé à 72 % en 2017.

14% de la population mondiale dispose de biocapacité. 86 % de la population mondiale est en déficit de biocapacité et 72% font face à un double défi des ressources. (Global Footprint Network)

Les chercheurs ont également constaté que les pays à haut et à faible revenu présentant un déficit écologique utilisaient respectivement 3,7 et 1,3 fois plus de ressources biologiques par habitant que celles disponibles dans le monde en moyenne en 2017.

Selon les chercheurs dans leur étude :

Des famines et des restrictions de ressources se sont produites dans l’histoire humaine récente. On a fait valoir qu’ils étaient principalement causés par un accès inégal plutôt que par des pénuries physiques absolues. Toutefois, l’émergence de l’Anthropocène pourrait avoir modifié cette dynamique. L’Anthropocène est marqué par un changement mondial sans précédent qui entraîne un déclin de la santé des écosystèmes mondiaux et une augmentation de la pollution, ce qui correspond à un dépassement écologique mondial. Les contraintes en matière de biocapacité, qui étaient auparavant de nature locale et distribuée, apparaissent désormais à l’échelle mondiale.

Afin d’alléger le fardeau de l’épuisement écologique, les chercheurs proposent des politiques qui renforcent la sécurité des ressources des pays en gérant à la fois leur demande et leur disponibilité. Parmi les solutions proposées figurent la conservation et la restauration de la biodiversité et de la santé des écosystèmes, l’amélioration de l’efficacité des villes en termes d’utilisation de l’énergie et de transport, l’amélioration de l’empreinte alimentaire en réduisant les produits d’origine animale et en évitant le gaspillage alimentaire, ainsi que l’encouragement aux familles moins nombreuses afin de réduire le taux de croissance démographique.

Les chercheurs de conclure :

Le constat selon lequel 72 % de l’humanité vit actuellement dans des pays confrontés à la double malédiction d’un déficit de biocapacité et d’un faible revenu moyen devient encore plus dramatique si l’on reconnaît que le dépassement écologique est plus important que jamais. La dette écologique accumulée par le dépassement a laissé l’atmosphère terrestre avec une concentration de carbone supérieure au niveau nécessaire pour un plafond de 2 °C de réchauffement climatique. Cela indique que vivre de l’épuisement du capital naturel signifie que les populations sont à court d’options et augmente la probabilité de pièges de pauvreté écologique. Par conséquent, faire progresser la protection des ressources devient une stratégie indispensable pour éradiquer la pauvreté et garantir le succès du développement.

L’étude publiée dans Nature Sustainability : The importance of resource security for poverty eradication et présentée sur le site du Global Footprint Network : 72%.