EDITH KOUASSI, L’ÉTOILE MONTANTE DE L’ENTREPRENEURIAT VERT EN CÔTE D’IVOIRE


Bâtir une entreprise responsable et de référence en matière de gestion des déchets, c’est le rêve qu’entretient Edith Kouassi, co-fondatrice d’Ecoplast Innov, la start-up ivoirienne qui développe l’ambitieux projet de recyclage des déchets plastiques et pneus usagés.

L’entrepreneuriat, cette trajectoire qui mêle incertitude, opportunités et innovation, n’est plus un domaine inconnu aux jeunes africains. Un dynamisme éclatant voit le jour notamment en Côte d’Ivoire, sous la houlette de jeunes qui n’ont plus peur de se lancer dans cette voie pourtant très tortueuse, contribuant ainsi à rendre possible le Rêve Africain.


Entre la poursuite du cursus universitaire et l’entrepreneuriat : un choix

Edith Kouassi est entrepreneure depuis à peine deux ans mais quel parcours pour y arriver ! Après l’obtention de son Baccalauréat A1, rien ne la prédestinait à ne serait-ce qu’un flirt avec l’entrepreneuriat, encore moins dans un secteur qui requiert une bonne base de technicité.

En 2017, la native de Bongouanou valide sa Licence de Géographie à l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan et se dirige avec beaucoup de mérite vers un master en Environnement et Gestion des déchets Plastiques. Ce faisant, la jeune dame de vingt-neuf ans à l’allure pourtant éphèbe, développe une sensibilité pour les communautés précaires extrêmement exposées aux polluants plastiques. Elle réalise plusieurs recherches et s’investit dans des études de terrain dans le but de questionner l’impact des déchets plastiques sur la vie des populations vulnérables. C’est ainsi qu’elle prend la pleine mesure d’une situation d’extrême urgence : les déchets plastiques, en Côte d’Ivoire, précarisent des communautés déjà en proie à d’énormes difficultés socio-économiques. Les résultats à mi-parcours de ses investigations d’étudiante confirment en effet ce tableau émouvant et renforce en elle le sens de l’engagement. Edith se dit alors qu’il faut aller plus loin dans ses initiatives personnelles. Son petit commerce portant sur des articles de décoration issus d’éléments recyclés devrait connaitre une dimension plus sérieuse d’autant plus qu’elle vendait à perte car occupée à suivre deux lièvres. Jonglant entre son Master et son activité de recyclage, Edith sentait qu’elle perdait beaucoup de temps pendant qu’une autre partie d’elle bouillonnait d’envie de créer, d’innover, de transformer des problèmes en opportunités.

A ce stade de son cursus, elle se sent suffisamment sensibilisée aux enjeux liés aux déchets plastiques et veut davantage s’investir dans la production d’une réponse innovante. Cependant, après avoir diagnostiqué le tâtonnement de son premier business autour du recyclage, elle comprend qu’il faut faire plus de place à son imagination pour nourrir sa fibre entrepreneuriale. Quitter l’école traditionnelle pour l’école de son rêve, c’est le pari à l’issue incertaine qu’elle a eu le courage de faire.

Sans savoir si c’était le choix le plus viable, sans avoir de réponse quant à une quelconque sécurité de l’emploi, sans savoir d’où viendront les financements, Edith décide d’abréger son cursus universitaire en Master 1 afin de faire triompher une grande ambition : bâtir une entreprise de référence en matière de gestion des déchets en Afrique.

Commençait alors pour elle, une aventure des plus passionnantes nommée  Ecoplast Innov, qu’elle raconte avec beaucoup de profondeur, d’enseignements et surtout beaucoup d’espoir.



Ecoplast Innov: des déchets plastiques et pneus usagés aux matériaux de construction

Ecoplast Innov, la matérialisation de la réponse d’Edith Kouassi au problème de la gestion des déchets en Côte d’ Ivoire, est une start-up spécialisée dans la collecte et recyclage de pneus et déchets plastiques.

« Nous transformons les déchets plastiques en pavés, plaques écologiques, briquettes et les pneus usagés en granulats et poudrette en caoutchouc pour la construction et le revêtement des sols » nous explique-t-elle.

A l’origine de ce projet, il y a Edith qui démarre seule, avec ses économies, avant que son idée ne séduise d’éventuels soutiens. Aujourd’hui, son entreprise réunit une dizaine de jeunes qui partagent la même vision et la même passion. Parce qu’Edith tient à s’entourer de personnes motivées et focalisées sur l’objectif à moyen et à long terme, elle compte délocaliser le siège social actuellement à Abidjan vers Agboville. Cette stratégie vise à se rapprocher d’une main d’œuvre qui puisse répondre aux exigences des travaux d’Ecoplast Innov. En effet, dans toute la chaine de recyclage, le travail physique n’est pas exclu et à ce stade du projet, les efforts priment sur les calculs individuels et les distractions d’où la nécessité, selon elle, de s’éloigner de la frivolité qui caractérise l’écosystème juvénile de la capitale abidjanaise.

La première phase du travail à Ecoplast Innov commence dans les rues, les dépôts d’ordures, pour le ramassage des déchets plastiques, passe par les garagistes communément appelés «mécaniciens», pour la récupération des pneus usés avant d’arriver aux machines. La seule ville d’Abidjan générant environ 288 tonnes de déchets plastiques par jour dont seulement 5% sont recyclés selon certains organismes, la start-up récupère également les déchets collectés par les agents municipaux du district d’Abidjan et aussi ceux de quelques entreprises qui ont compris l’inévitable démarche d’économie circulaire vers laquelle devront muter toutes les entreprises qui veulent s’adapter aux enjeux du monde actuel. Ecoplast collabore ainsi avec la mairie de la commune de Treichville afin entre autres de la débarrasser du fléau des pneus dans la lagune, une réalité qui dérange manifestement les populations.

La valeur d’un tel projet qui en plus de résoudre une crise latente d’insalubrité urbaine révèle le génie innovateur de cette jeunesse ivoirienne en pleine dynamique, ne laisse aujourd’hui aucune audience indifférente. Tous les acteurs la sphère économique et sociale qui ont eu à se retrouver en face de ce projet, y ont vu l’espoir de l’entrepreneuriat vert en Côte d’Ivoire.


Parce que la valeur n’attend point le nombre des années

En Décembre 2019, lorsqu’elle lançait officiellement les activités d’Ecoplast Innov avec ses amis et collaborateurs, Edith ne s’attendait pas à remporter une série de petites victoires qui mises ensemble, consolideraient les bases matérielles de son idée. Après un an d’activités intenses, de challenges et d’adaptation à des défis financiers, logistiques et sociaux énormes, celle qui a dû abréger son Master pour s’accrocher à son idée d’entreprise, peut afficher aujourd’hui fière allure au panthéon des jeunes qui auront marqué l’année 2020 par leur détermination, leur leadership et leur génie entrepreneurial. Lauréate des prix les plus prestigieux au niveau national comme international, la start-up de recyclage des déchets plastique a pu séduire successivement des jurés sélectifs, composés de personnalités dont la notoriété dans l’écosystème économique n’est plus à démontrer.

C’est lors de l’édition 2018 de la Business Plan Competition du CGECI Academy, qu’elle intègre le milieu des jeunes porteurs d’initiatives à succès, s’outille des connaissances précieuses et restructure son entreprise de recyclage avant de se lancer officiellement en 2019. Dès lors, que de conquêtes, que de prix, que de victoires et surtout que de financements substantiels et d’espoirs suscités, car la gestion des déchets plastiques constitue un véritable casse-tête pour les collectivités locales.

Ecoplast Innov et Edith Kouassi, c’est surtout trois trophées majeurs en 2020. Ces récompenses qui constituent chacune, pour bien de start-up en phase de maturité, une consécration, Ecoplast Innov a pu en rafler trois. Edith a été ainsi lauréate du Challenge des 1000 Entrepreneurs Africains organisé par le gouvernement Français, une distinction qui lui a valu de représenter dignement la Côte d’Ivoire au BPI France INNO 2020, une expérience unique de réseautage entre entrepreneurs de haut niveau, en France. Edith Kouassi, c’est aussi le prix BJKD de l’entrepreneuriat féminin initié par la FONDATION BENEDICTE JANINE KACOU DIAGOU et finalement le prestigieux prix Alassane Ouattara du jeune entrepreneur émergent. Toutes ces distinctions prises séparément suscitent de l’ambition, du rêve et de l’admiration. C’est au terme de longues procédures, que des milliers de jeunes entrepreneurs sont, à chaque fois, mis à l’épreuve afin de justifier la portée des solutions qu’ils proposent, le travail déjà réalisé, les résultats palpables, la viabilité économique sur le long terme et l’impact social de leur projet. A chaque fois, Edith a du imposer sa marque et pitcher brillamment, là où elle était en compétition avec d’autres porteurs de projets tout aussi déterminés que passionnés. Toutefois, la jeune chef d’entreprise ne se repose pas sur ses lauriers. S’autoriser trop d’autosatisfaction, erreur commise par bien de devanciers, Edith en est consciente. D’ailleurs elle a déjà fixé le cap pour les prochaines années : « D’ici cinq ans, nous comptons couvrir le marché national, exporter notre process de recyclage dans la sous-région et explorer des nouveaux produits issus des pneus et déchets plastiques.»

La gestion des déchets plastiques est un domaine où beaucoup reste à faire, comme en témoignent toutes les difficultés auxquelles la start-up Ecoplast Innov fait face au quotidien, ne serait-ce que pour récupérer des déchets.  Mais parce qu’elle ne s’attendait pas à ce que tout soit facile, Edith a su croire en son projet, commençant avec des moyens rudimentaires, écourtant son parcours universitaire, pour après seulement un an de pleine activité, concrétiser sa vision.

« Si j’ai un conseil à donner à tous les jeunes qui vous liront, je leur dirais d’être passionnés par ce qui les motive, d’avoir une vision claire de ce qu’ils veulent faire et ne pas avoir peur de se lancer. »

Transformer une forte préoccupation environnementale et sanitaire, la gestion des déchets plastiques, en une innovation entrepreneuriale, elle a su le faire avec audace. Aujourd’hui, Edith Kouassi incarne cette jeunesse prometteuse qu’il convient de suivre, valoriser et pousser au plus haut niveau afin de faire vivre le Rêve Africain.


 

Par Yves-Landry Kouamé / Du blog Etre Sensible à Son Environnement