TRAORÉ FOUSSENY, SYMBOLE MALIEN DE CITOYENNETÉ ACTIVE


Le cœur plein d’espoir pour son continent, l’esprit éveillé et la parole habile, Traoré Fousseny ne compte pas pour du beurre dans le débat écologique mondial. Même sans la Kora, le jeune activiste malien se fait le chantre de l’écologie dans son pays.

L’actualité de son pays est chaude au moment où nous le rencontrons. Mais c’est un jeune plein de vie à la voix grave et au regard profond que nous avons pu observer et écouter. Malgré la pluralité des problèmes que rencontre le Mali dans sa quête de stabilité, le jeune activiste a toujours tout donné pour ouvrir les yeux de ses compatriotes sur un fait déplorable devenu normalité: la dégradation de l’environnement.

Malien de nationalité, Fousseny Traoré est pourtant né à Bouaké, en Côte d’Ivoire. A l’âge de 9 ans, il rejoint Bamako, sur la terre de son géniteur où il sera influencé par son oncle enseignant et cultivateur qui en plus de lui inculquer le savoir moderne, va transmettre à l’adolescent l’amour de la terre. Il le dit à toutes les interviews : « j’ai été éduqué par mon oncle cultivateur et enseignant. C’est lui qui m’a enseigné la beauté et la fragilité de la nature.» Très vite, Fousseny comprend l’importance de l’équilibre naturel, surtout lorsqu’il constate les dégâts occasionnés par les pluies diluviennes sur les infrastructures. Curieux et attentifs aux enseignements, il commence à jeter un regard inquiet et plein de questionnements sur les déséquilibres environnementaux persistants au Mali. Le manque d’eau, la pauvreté et tous ces déchets qui jettent l’opprobre sur le paysage urbain bamakois l’inquiètent. Il essaie alors de situer les responsabilités. Mais où avoir des réponses précises sur l’action publique dans le domaine de l’environnement ? Pourquoi le gouvernement ne fait rien ? Qu’est-ce que le citoyen ordinaire peut faire pour redonner une image honorable aux rues de son quartier? Par où commencer ? Un nombre surabondant de questions lui traverse l’esprit avant qu’il ne se tourne vers les réseaux sociaux. C’est ainsi qu’il découvre et prend part à différentes conférences animées par des spécialistes de l’environnement comme Adama Togola.


© Photo de Nathalie Guironnet-Journaliste photographe

Son engagement prend forme au fil du temps, il commence à sensibiliser ses amis, ses parents, ses compatriotes : sa voix commence à porter. Entre temps, Traoré Fousseny a le temps de valider sa licence en marketing et son certificat de santé lui donnant accès au métier d’auxiliaire en pharmacie. Dans un pays déchiré par la montée terroriste, où les opportunités d’emploi se raréfient et où la jeunesse est livrée à elle-même, tentant désespérément d’apercevoir la voie de sortie, Fousseny trouve la motivation pour s’instruire, consulter les différents rapports du GIEC, suivre de près les mouvements écologistes internationaux et s’en inspire pour agir localement.


Parce que « la dégradation de l’environnement accentue la pauvreté au Mali…»

Au Mali, la dégradation de l’environnement est un facteur aggravant mais aussi révélateur des problèmes structurels et socio-économiques qui rongent le pays. Il peut arriver que la date de rentrée scolaire soit repoussée pour indisponibilité des salles de classes, nous apprend Fousseny. Elles abritent très souvent des sinistrés, au lendemain des saisons pluvieuses. Pire, les élèves sont souvent obligés de rester chez eux à cause des poubelles environnantes qui rendent le cadre d’étude nauséabond. Quand nous lui demandons les causes d’un tel désastre, Fousseny indexe la dictature des multinationales et l’incapacité des autorités politiques. Il nous relate dépité, le dictat des entreprises d’extraction qui ne se contentent que de leur gain sans se soucier de la population. Or une bonne partie de celle-ci vit en dessous du seuil de pauvreté et cela saute aux yeux. Manquant du minimum vital, la jeunesse malienne, avec le sentiment d’impuissante face à un quotidien éprouvant et un avenir destiné à la promiscuité, sombre dans bien de vices. Comme le dit si bien notre jeune écolo : « Quand j’analyse bien, je crois que la dégradation de l’environnement accentue la pauvreté au Mali. Tout cela provoque la dérive de la jeunesse vers des voies extrémistes et suicidaires.»


© Photo de Nathalie Guironnet-Journaliste photographe

Difficile de regarder un tel tableau avec émerveillement.  Néanmoins, Fousseny, plein de détermination, s’est engagé à contribuer positivement au changement jusqu’à son dernier souffle sans toutefois occulter la complexité des difficultés auxquelles son pays est confronté. Parce qu’il sait que l’Etat à lui seul n’y pourra rien. Il sait aussi que toutes les critiques pleines d’invectives envers le gouvernement n’y pourront rien. Ce dont il est sûr, c’est qu’avec la sensibilisation, l’information et l’orientation, la société civile peut contribuer à panser quelques plaies.

Fousseny Traoré prête ainsi sa voix à la cause, jouissant progressivement du soutien de ses proches et de sa communauté, ces mêmes qui au départ lui disaient: «Tu perds ton temps. C’est à la mairie de nettoyer les rues ». Aujourd’hui fervent écolo par conviction et reconnu à sa juste valeur, son cri d’alarme rejoint celui de millions de jeunes à travers le monde.


Positionner le Mali dans le mouvement écologique planétaire en cours

Si l’Afrique est un continent fragile face à la crise climatique, c’est bien parce qu’elle n’a pas tous les moyens d’une transition écologique effective et elle ne l’a quasiment pas encore entamée. Symboliquement présente lors des grands rendez-vous internationaux , les résolutions prises ne sont jamais localement tangibles et les différents mouvements citoyens planétaires ont du mal à y trouver leur continuité ou l’écho souhaité. Fousseny nous dit que si la réalité est ainsi, c’est parce que « la jeunesse africaine n’est pas du tout engagée ! »


Solidarité de la jeunesse internationale autour des actions de Fousseny Traoré ©#Fridaysforfuturmali

Au Mali, il a donc accepté de représenter Friday For Future[i], le mouvement écologique international de désobéissance et de grèves hebdomadaires, impulsé par la jeune suédoise Greta Thunberg. Rendu populaire depuis le discours mémorable de l’adolescente à la COP 24 en Décembre 2018, alors qu’elle n’avait que 15 ans, ce mouvement va se rependre et toucher tous les coins du globe, jusqu’à trouver l’adhésion de la jeunesse malienne. Mais si Greta manifeste devant le parlement Suédois, Fousseny lui, manifeste devant le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keita qu’il trouve inefficace et dépourvu d’idées concrètes pour faire face à l’urgence climatique et environnementale. Ayant évolué dans un environnement considérablement dégradé et en croissante dégradation, son cri d’alerte dépasse Bamako et s’intègre parfaitement dans celui des millions de jeunes à travers le monde pour réclamer un futur digne d’être vécu.

En plus de Friday For Future, notre ami Fousseny multiplie les actions à la tête de l’association Citoyens pour le Climat-Bamako [ii]. Cette association qui concentre toutes ses forces dans la sensibilisation des populations aux comportements écocitoyens s’inscrit dans la même ligne d’actions que le mouvement planétaire du même nom. Né en 2018, spontanément, le mouvement Citoyens pour le climat [iii] voit le jour dans un contexte des plus favorables car les statistiques climatiques choquantes faisaient la une de l’actualité, devant des gouvernements en flagrant déni de responsabilité. Un été des plus chauds jamais ressenti, la démission de l’ancien ministre de la transition écologique française Nicolas Hulot, l’écho des successifs discours de Greta, les différents rapports et modélisations climatiques qui s’accumulaient sans suite dans les tiroirs et placards des décideurs, autant de facteurs qui ont vu naître cette vague citoyenne verte apartisane. Le Mali a pu, grâce au rêve de Fousseny  de voir son pays luire comme exemple de l’éveil écologique, révéler le potentiel d’engagement de la jeunesse africaine.

« Nous organisons des marches, des grèves, des conférences et des journées de salubrité. Nous descendons dans la ville ramasser des déchets plastiques. Nous partons au marché pour faire des campagnes de sensibilisation écologique auprès de nos parents commerçants. Nous rencontrons des ministres et autorités locales pour proposer des projets.» Selon l’activiste, le manque d’informations est le plus grand frein à l’éveil de la conscience des jeunes. Il mise par conséquent sur l’éducation comme axe prioritaire d’action.


Action citoyenne de nettoyage des rues. © Photo de Nathalie Guironnet-Journaliste photographe

Des jeunes comme Fousseny, tous les pays en ont besoin. Environnementaliste par conviction et non de formation, il a su briser la barrière de l’obscurantisme intellectuel et le manque d’informations. Aujourd’hui, il voue sa jeunesse à la transformation de sa communauté par la sensibilisation, l’information et l’orientation des populations vers des habitudes citoyennes. Fousseny est un modèle de citoyenneté active. Il fait partie des jeunes à suivre et à encourager car l’image de son pays lui tient à cœur.


 

Par Yves-Landry Kouamé // Du blog Etre Sensible à Son Environnement