PENDANT LA PANDÉMIE, DES AUTRICHIENS DÉCOUVRENT LE TRAVAIL AUX CHAMPS


Steinebrunn (Autriche) – Avant la crise du coronavirus, Kerstin étudiait les sciences agricoles tandis que Jan travaillait dans le négoce alimentaire. Depuis quelques semaines, ils prêtent main forte dans les champs pour compenser la pénurie de travailleurs étrangers.

La fermeture des frontières à l’intérieur de l’Europe, conséquence des mesures de lutte contre la pandémie de nouveau coronavirus, a privé le monde agricole d’une grande partie de la main-d’oeuvre saisonnière nécessaire pendant le printemps et l’été.

Des milliers de bras manquent en Autriche et le gouvernement a aussitôt appelé la population à voler au secours des exploitants. A l’instar de nombreux pays comme l’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la France, une plateforme de recrutement a été lancée en un temps record pour empêcher la paralysie de la filière.

L’initiative a permis d’éviter le pire à la famille Schreiber, qui cultive des semences de légumes et plantes aromatiques à Steinebrunn, dans le nord du pays.

« Nous étions démunis », explique Gabriela, qui dirige avec son époux l’exploitation familiale située tout près de la République tchèque où le couple recrute habituellement des saisonniers.

Ce printemps, c’est à Kerstin Krückl, 23 ans, et Jan Simka, 43 ans, que revient la tâche de les remplacer. Le première est étudiante en agronomie à Vienne, le second est employé chez un grossiste alimentaire et tous deux se sont portés candidats sur le site du gouvernement.

Les mesures de confinement imposées mi-mars en Autriche ont réduit leurs activités et aider les agriculteurs est « une façon utile d’employer ce temps », explique le quadragénaire sans cacher qu’il trouve le quotidien aux champs plus monotone et plus dur qu’il ne l’aurait pensé.

« C’est très dur le premier jour, puis tu apprends à faire avec la douleur », confirme Kerstin, à pied d’oeuvre de 08h00 du matin jusqu’au soir.

Ce labeur est l’un des moins bien rémunérés du marché du travail autrichien: le salaire minimum est de 1.500 euros brut pour les employés de l’agriculture. Dans le cadre du dispositif temporaire de travail aux champs, chaque exploitant est libre de fixer une rémunération plus élevée, précise le ministère de l’Agriculture.

Quelque 20.000 candidats ont répondu à l’appel du ministère qui a achevé la sélection d’un premier groupe de 2.000 apprentis paysans. Ils sont ou seront envoyés dans l’une des 450 fermes du pays qui recherchent un total de 4.000 travailleurs.

Outre le ministère, d’autres sociétés de travail temporaire se sont mises sur le marché pour proposer les services des milliers de nouveaux chômeurs des secteurs de la gastronomie ou du tourisme.

« Parmi les candidats, j’ai eu deux cuisiniers, des serveuses de restaurants des alentours, des étudiants. Et un charpentier de Vienne, lui je vais le prendre, il pourra m’aider à livrer », a récemment témoigné un producteur d’asperges des environs de Vienne, Werner Magoschitz, dans le quotidien Kurier.

Mais l’équation économique est compliquée, explique-t-il: « Un intermédiaire m’a proposé du personnel à 23,60 euros de l’heure », contre 13 euros pour le salaire minimum. « Pour notre produit ce n’est pas possible, mieux vaut ne pas récolter les asperges », selon M. Magoschitz.

Car la demande, en baisse avec la fermeture des restaurants, rend de toute façon difficile d’écouler toute la production.

Le secteur de l’élevage est l’un des plus touchés. « La demande de viande bovine a chuté. Le marché du lait est également affecté dans la mesure où les touristes constituent en temps normal des consommateurs importants », dans les vallées alpines, note le Bauernbund, principal syndicat agricole, proche du parti conservateur au pouvoir.

L’Italie voisine, important débouché agricole, « ne peut plus ou difficilement être livrée », observe encore l’organisation.

Point positif: dans ce secteur majoritairement composé d’exploitations familiales de taille modeste, la vente en ligne ou à la ferme s’envole, explique le syndicat.

« Les gens réalisent qu’on a besoin des paysans et de plus en plus achètent directement à la ferme », constate aussi Alexandra Ramhofer qui cultive des fraises dans le Burgenland, la région la plus orientale du pays.

Lorsqu’il reprendra à plein temps son travail, Jan Simka assure qu’il retiendra la leçon : « Ce que je vends n’est pas produit facilement… ».