BIENTÔT 310 MILLIONS D’AFRICAINES MARIÉES AVANT 18 ANS ?


L’Unicef publie un rapport alarmant : le nombre de filles mariées à moins de 18 ans pourrait doubler en Afrique d’ici 2050.

Brigitte a été mariée à l’âge de 13 ans, en République démocratique du Congo. Son mari Justin était à peine plus âgé : il avait 15 ans. « Je suis tombée enceinte la même année, et j’ai dû arrêter l’école », raconte-t-elle, amère. Aujourd’hui, elle a 17 ans et est mère de deux enfants. Son mari, parti travailler dans une mine de Shabunda dans le Sud-Kivu, n’est jamais revenu.

Fatimetou, Mauritanienne, avait 13 ans aussi. Mariée à « un vieillard » – le scénario le plus répandu – dont sa mère la force à partager la couche, elle enchaîne les fugues. Sa famille la renvoie chez son mari. Elle dort dans la rue, s’accroche à ses études malgré tout. Et attend aujourd’hui qu’un juge prononce le divorce. Fatimetou fait partie des 35 % de filles mariées avant l’âge de 18 ans et des 15 % mariées avant 15 ans en Mauritanie, où cette pratique est pourtant interdite.

En Afrique, 125 millions de filles sont aujourd’hui mariées alors qu’elles sont encore enfants ou adolescentes. Ce n’est pas faute d’efforts, puisque le taux de filles mariées à moins de 18 ans a diminué partout dans le monde depuis 1990. Mais c’est en Afrique (surtout subsaharienne) qu’il baisse le plus lentement.


Un sommet tardif sur le mariage précoce

Ce faible taux de réduction (de 44 % à 34 % depuis 1990), combiné à la croissance démographique exponentielle de l’Afrique, fait que le nombre de filles mariées enfants est susceptible d’augmenter considérablement d’ici 2050, surpassant même l’Asie du Sud, aujourd’hui région la plus touchée.

Le 26 et 27 novembre à Lusaka, en Zambie, l’Union africaine consacre un tout premier sommet à la lutte contre le mariage précoce. A cette occasion, l’Unicef publie un rapport alarmant : le nombre de filles mariées à moins de 18 ans pourrait plus que doubler en Afrique d’ici 2050, atteignant les 310 millions.

Les progrès ont, de plus, été très inégaux, voire inexistants pour les filles venant de familles pauvres et vivant en milieu rural, qui restent aujourd’hui les plus exposées aux mariages précoces. « Pour faire baisser ce nombre, il faudrait plus que doubler les efforts actuels », estime Laurent Duvillier, porte-parole de l’Unicef pour l’Afrique de l’Ouest et centrale.

Car ce fléau a des conséquences sociales et sanitaires désastreuses : la grossesse reste un des principaux facteurs de mortalité pour une mère adolescente et son enfant, et contribue à entretenir le cycle de la pauvreté. Le mariage met en effet souvent un terme à l’éducation de ces jeunes filles, les condamnant à la pauvreté, cette pauvreté même qui pousse les parents à marier leurs filles le plus tôt possible.

« Pour enrayer l’augmentation des mariages forcés, il faut tout miser sur l’éducation, encourager les parents par tous les moyens », insiste le porte-parole de l’Unicef. Cela passe par un soutien apporté aux familles les plus démunies, « en leur offrant du matériel, des services, ou des compensations financières, pour convaincre les parents de repousser le mariage d’au moins quelques années ». L’Unicef travaille aussi avec les leaders religieux « catholiques, animistes, musulmans. Ils ont un réel pouvoir d’influence sur les familles ».

Malgré un sombre pronostic, le sommet de l’Union africaine montre une volonté d’améliorer le sort des filles mariées avant l’âge. « Il y a seulement 20 ou 30 ans, souligne Laurent Duvillier, un tel débat ouvert était difficilement envisageable. »


 

 

Src : Le Monde Afrique