GLOBAL WITNESS ACCUSE 10 ENTREPRISES EUROPÉENNES D’IMPORTER DU BOIS CONGOLAIS ILLÉGAL VERS L’UE


Selon une nouvelle enquête de Global Witness, “dix entreprises européennes pourraient importer vers l’UE du bois congolais illégal représentant plusieurs millions d’euros”, indique un communiqué de presse publié par cette ONG internationale de lutte contre la corruption.

Global Witness révèle que dix négociants de l’UE importent du bois provenant d’IFCO (Industrie Forestière du Congo), une compagnie forestière de la République démocratique du Congo accusée d’ignorer les législations forestières et le code du travail.

“En plus de représenter un véritable danger pour les forêts humides qui jouent un rôle clé dans la régulation du climat, de tels agissements pourraient constituer une atteinte directe au Règlement Bois de l’Union européenne, législation historique qui donne lieu à l’imposition de peines sévère. Ces entreprises européennes, qui ont introduit sur le marché européen du bois illégal ou à haut risque d’illégalité d’une valeur de 2 millions d’euros, devraient s’abstenir de s’approvisionner auprès d’IFCO tant que ces manquements manifestes à la législation n’ont pas fait l’objet d’une enquête”, note Global Witness.

Global  Witness exhorte par ailleurs les autorités françaises, italiennes, espagnoles, polonaises, portugaises et belges à prendre des mesures sans plus tarder et à faire observer le Règlement Bois de l’UE.

Pour cette ONG internationale, l’analyse des images satellitaires effectuée  “montre qu’IFCO a opéré de manière illégale en dehors des périmètres autorisés et qu’elle a exploité la forêt à grande échelle alors que les autorités provinciales avaient suspendu ses opérations”.

Six États membres de l’UE pourraient, selon cette ONG, porter atteinte au Règlement Bois de l’Union européenne (RBUE) en achetant du bois à IFCO, une compagnie qui ignore la législation forestière en vigueur en RDC.


Le bois rouge congolais toujours illégalement exploité

L’enquête révèle qu’en 2018, “des entreprises basées en France, en Belgique, au Portugal, en Espagne, en Italie et en Pologne ont au total introduit sur le marché de l’UE plus de 1 400 m3 de bois à haut risque provenant d’IFCO, d’une valeur approximative de 2 millions d’euros, et ce, en à peine cinq mois”.

IFCO, deuxième exportateur de bois de la RDC, a opéré en dehors des périmètres autorisés. En 2018, la société a également exploité la forêt à grande échelle alors que les autorités provinciales avaient suspendu ses opérations pour atteintes aux législations forestières et au code du travail”, signale Global Witness.

Colin Robertson, chargé de campagne pour Global Witness, a déclaré : « Le Règlement Bois de l’UE est en vigueur depuis plus de six ans, et pourtant voici un nouveau cas où du bois illégal ou à haut risque d’illégalité aboutit dans des ports de l’UE, visiblement sans que les autorités ne l’aient contrôlé. L’exploitation forestière illégale contribue fortement au changement climatique, et une application insuffisante de la législation risque de nuire aux efforts consentis par l’UE pour lutter contre ce phénomène. Il est également important que les entreprises se penchent de bien plus près sur leurs chaînes d’approvisionnement et qu’elles s’assurent de ne pas prendre part à un commerce de bois coupé dans l’illégalité. Les activités illégales que notre note d’analyse met aujourd’hui en lumière suggèrent qu’on ne saurait compter sur IFCO – ou sur son prédécesseur Cotrefor – pour respecter les législations congolaises. Les entreprises importatrices de bois d’IFCO dans l’UE devraient sérieusement s’en inquiéter. »



IFCO a hérité des droits d’exploitation et des opérations qui appartenaient à Cotrefor, compagnie forestière notoirement accusée de plusieurs activités illégales. Cotrefor aurait également été liée à un conglomérat libanais figurant sur une liste de sanctions établie par le Trésor américain au motif qu’il financerait le Hezbollah, soutient Global Witness.

Les clients européens d’IFCO énumérés dans le document d’information sont les suivants : Exott, Belgique; TimTrade, Italie; Edwood, France; Angot Bois, France; JAF Polska, Pologne; France Noyer, France; Interarrod, Portugal; Timbearth, France; Carbon Market Timber, France.

En vertu du RBUE, les entreprises doivent pouvoir démontrer qu’elles ont pris des mesures concrètes pour réduire le risque que le bois importé dans l’UE ait été extrait dans l’illégalité.


Grumes transportées sur le fleuve Congo en RDC, en direction du port de Matadi. Global Witness/ Amelia Jones

Pour rappel au Gabon le président Ali Bongo Ondimba a annoncé le limogeage de son vice-président Pierre Claver Maganga Moussavou, ainsi que celui du ministre des Forêts et de l’Environnement, Guy Bertrand Mapangou.

La présidence n’a donné aucun détail sur les raisons de ces limogeages, mais les appels à la démission de M. Mapangou s’étaient multiplié ces derniers jours dans la presse et la société civile gabonaises, dans le sillage du « kévazingogate », une affaire de trafic de bois précieux interdit d’exploitation.

Fin février et début mars, près de 5.000 mètres cube de kévazingo, une essence rare très prisée en Asie, d’une valeur d’environ 7 millions d’euros, avaient été découverts dans deux sites d’entreposage appartenant à des sociétés chinoises, au port d’Owendo, à Libreville.

Une partie du kévazingo était chargée dans des conteneurs sur lesquels figurait le tampon du ministère des Eaux et Forêts indiquant une cargaison d’okoumé, une essence de bois dont l’exploitation est autorisée.

Après la découverte de ces documents falsifiés, le responsable de ce ministère au port et son équipe avaient été arrêtés, soupçonnés d’implication dans ce trafic.

Mais le 30 avril, 353 de ces conteneurs, placés sous l’autorité de la justice, s’étaient mystérieusement volatilisés. Deux cents conteneurs ont par la suite été retrouvés dans les entrepôts de deux entreprises différentes, toujours au port d’Owendo.

Le kévazingo est un bois rare d’Afrique centrale, considéré comme sacré par certaines communautés locales et très apprécié en Asie, notamment pour la réalisation de parquets, escaliers, meubles de luxe ou portails de temples.

La justice gabonaise a annoncé l’arrestation de deux ressortissants chinois, accusés d’avoir participé au trafic, avec la complicité de fonctionnaires gabonais.

Représentant 60% du PIB (hors hydrocarbures), le secteur forestier est l’un des piliers historiques de l’économie du Gabon, un pays recouvert à près de 80% par la forêt.

Fin mars, le rapport d’une ONG britannique avait dénoncé les pratiques illégales d’un groupe chinois à l’origine d’un vaste trafic d’exploitation de bois au Gabon et au Congo, accusant notamment plusieurs personnalités politiques et agents de l’administration d’y être impliqués.


 

Src : deskeco.com et AFP