RWANDA : PAUL KAGAMÉ DÉCLARE LA GUERRE À CEUX ET CELLES QUI PRATIQUENT LA DÉPIGMENTATION DE LA PEAU


Le président, Paul Kagamé, a fait savoir que son administration faisait, actuellement, une guerre sans merci aux produits éclaircissants avec une volonté affichée de retirer le blanchiment de la peau des habitudes cosmétiques des Rwandais.

La ministre de la Santé, Dr Diane Gashumba, a confirmé qu’une loi régissant l’utilisation de ces produits chimiques est, déjà, en place et que d’autres instances réglementaires comme la Food and Drug Authority et le Rwanda Standards Board, sont mobilisés.

Les spécialistes de la dépigmentation se sont exprimés en exclusivité dans le magazine Afrique Education qui consacre, depuis 5 ans, des dossiers complets sur ce scandale de santé publique, qui porte gravement préjudice à l’esthétique de la femme noire et à l’image de l’Afrique en général.


Etat des lieux de la Dépigmentation volontaire cosmétique en Afrique

L’utilisation des crèmes éclaircissantes d’une extrême toxicité aux effets indésirables, dangereux pour la santé se généralise à grande vitesse à une échelle mondiale.

En fait, le phénomène de la dépigmentation touche tous les pays à population à peau noire constituant ainsi un nouveau défi de santé environnementale à l’échelle de la planète.

La dépigmentation volontaire est une pratique courante en Afrique dont tout le Maghreb où actuellement la polémique autour de Miss Algérie 2019, noire de peau, Khadidja Benhamou, est victime d’insultes racistes.



Elle se pratique généralement en Afrique subsaharienne chez les femmes, quel que soit leur statut socio-professionnel. Les motivations sont esthétiques.

La recherche d’un teint clair, parfait, sans tâche comme canon de beauté favorisé par la mode, la pression publicitaire des médias ou de leur entourage familial (souvent les maris en général)… Les hommes préfèrent les femmes plus claires… (Dr. Kady Sy Bizet, médecin esthétique « Ces beautés noires blanchies »).

En Afrique subsaharienne, la pratique est jugée à visée esthétique confortée par les images véhiculées par les médias s’adressant aux femmes. Certains hommes s’y adonnent aussi.

On retrouve diverses appellations pour nommer ce phénomène par pays : peau grattée (Côte d’Ivoire), Caméléon damé (Niger/Guinée), Xéssal/Léral (Sénégal), Maquillage (Gabon, Cameroun), Tchoko (2 Congo), Akonti (Togo), Tchatcho (Mali).

D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), quatre femmes sur dix vivants sur le continent africain, ont recours à des cosmétiques qui blanchissent la peau.

Selon les données de l’OMS en 2011 (qui devraient être réactualisées), les taux sont les suivants en Afrique : Nigeria 77 %, Gabon, Cameroun et les deux Congo 45%, Afrique du Sud 35 %, Togo 29 %, Mali 25 %, Côte d’Ivoire, Abidjan 58 en 2008, Sénégal 27 %, Nigéria, 45%.

Comme le Rwanda, d’autres pays ont interdit leur commercialisation sur leur territoire tels que le Nigeria, l’Afrique du Sud, le Kenya et le Ghana pour ceux ayant une trop forte concentration en hydroquinone et en mercure.

Certains sont des cocktails chimiques décapants parfois associés à du javel, à des stéroïdes, au plomb ou à l’hydroquinone, parfois, des dermocorticoïdes. Médicaments détournés pour leurs effets secondaires éclaircissants et les injections à visée blanchissantes à base de glutathion et même du mercure, favorisant ainsi des pathologies graves comme le cancer de la peau, le diabète, l’insuffisance rénale.

L’exposition au mercure, substance interdite dans les cosmétiques en 2013 par l’OMS, même à de petites quantités, peut causer de graves problèmes de santé et constitue une menace pour le développement de l’enfant in utero et à un âge précoce jugé très préoccupant pour la santé publique.

A Londres, le docteur Ophélia Datzie, dermatologue, originaire du Ghana, « Ethnic Dermatology, Pratices and Principles » O.E.Dadzie, Antoine Petit, Andrew Alexis (Wiley Blackwell), nous explique que dans son pays, les femmes enceintes et les enfants ingèrent des pilules à visée blanchissante et se font des injections en croyant que leurs bébés viendront au monde avec une peau claire.



Le docteur, Antoine Mahé, dermatologue, « Les Défis de la dépigmentation volontaire Cosmétique » de Anne Dermatol Venerol (2017), estime que « c’est un réel enjeu de santé publique pluridisciplinaire qui ne mérite aucune stigmatisation ou culpabilisation des patients, il faut à présent se concentrer sur les aspects techniques d’une éducation sanitaire à établir.

Le docteur Petit, dermatologue à l’hôpital Saint-Louis (Paris), quant à lui, insiste sur l’angle de l’addiction aux produits éclaircissants qui constitue un autre axe majeur à soulever  et nul n’ignore la pratique chez les sapeurs Congolais, certaines stars de la musique, autres chefs d’Etat africains et leurs épouses accros à la dépigmentation.
Cet avis pertinent est repris par Ferdinand Ezembe du Cameroun, docteur en ethnopsychologie, qui organise des groupes de paroles auprès des patients autour de l’estime de soi et l’image personnelle à réhabiliter.
Au Sénégal , le docteur Fatimata Ly, dermatologue à Dakar confirme des cas avérés de cancers de la peau .

Les produits éclaircissants soulèvent le problème du « colorisme », comme l’explique Pape Ndiaye, sociologue, auteur de « La Condition Noire » en 2008 (Calmann Levy). C’est une discrimination subie par les personnes noires à la carnation foncée, en fait, les gens ne souhaitent pas avoir la peau blanche, mais plutôt, un ton plus clair pour se conformer aux diktats de la société.
Cela est très bien décrit, hier, par Frantz Fanon dans « Peaux noires et masques blancs », Edition du Seuil 1952 ; et aujourd’hui, par Juliette Sméralda dans « Peau noire cheveu crépu », 2004, aux éditions Jason. Les deux soutiennent que cette pratique qui se perpétue dans le temps résulte de la colonisation ayant favorisé l’aliénation des populations noires.


L’ONG Label Beauté Noire

Pour légiférer et réglementer sur les dangers de la dépigmentation, l’ONG Label Beauté Noire, lanceuse d’alerte mondiale sur les dangers de la dépigmentation milite depuis 18 ans pour des cosmétiques de qualité, à l’initiative de la première Journée mondiale dépigmentation défrisage qui s’est tenue le 16 novembre 2018.

« Nous saluons la décision de l’actuel président de l’Union africaine (UA), Mr Paul Kagame, car c’est le rôle des pouvoirs publics de protéger les consommateurs. L’Union africaine a les mêmes finalités que l’Union européenne, elle est, donc, un acteur majeur en terme de législation et de réglementation. Mais, en même temps, nous déplorons qu’elle tombe à deux semaines de son départ en tant que président en exercice de l’Union africaine. »

« Nous ne baisserons pas les bras », dit Isabelle Mananga Ossey, Fondatrice de l’ONG Label Beauté Noire. « Nous solliciterons son successeur. Nous exhortons les instances institutionnelles et tous les chefs d’Etat africains à continuer à emboîter ce pas, notamment, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Kenya, le Ghana, le Nigeria et l’Afrique du Sud, déjà, engagés dans le processus de protection des populations africaines ».

Il est, déjà, intéressant de noter que 21 pays africains ont ratifié la Convention internationale de Minamata de l’ONU portant sur les dangers du mercure dans l’environnement.

En Afrique, nous allons poursuivre le programme d’éducation (Genre) Femmes et développement AFRIKASKINBLEACHING avec l’UNESCO qui existe depuis 2012, en organisant des colloques pluridisciplinaires scientifiques et réglementaires. L’objectif est d’uniformiser la législation sur les produits cosmétiques à destination des populations noires car il y a urgence concernant la qualité des soins destinés aux femmes noires.

En 2019, nous proposons une certification pour garantir l’innocuité des produits et la sécurité pour les consommateurs.

A l’heure des fakes news, fausses allégations et autres infox, il est désormais impératif de réguler l’information, la communication et la publicité sur la dépigmentation de manières éthique et déontologique notamment sur internet et les réseaux sociaux face à un marché évalué à 25 milliards d’euros à l’échelle mondiale d’ici 2024, constituant une vraie manne financière.


Conclusion : en citant Léopold Sédar Senghor (Recueil chant d’Ombre) : « Femme nue Femme noire, Vêtue de ta couleur qui est vie, De ta forme qui est beauté… ».