ÉCRANS ET JEUNES ENFANTS: COMMENT GARDER LE CONTRÔLE ?


Plutôt que de les diaboliser, il est préférable d’intégrer les écrans dans une démarche éducative, en accompagnant l’enfant dans son utilisation.

Les enfants sont aujourd’hui exposés dès le plus jeune âge à un arsenal numérique. Tablette, ordinateur, télévision, smartphone… Les familles possèdent en moyenne pas moins de cinq écrans. Cette révolution technologique, accessible à tous (ou presque), a assurément bouleversé notre façon de communiquer, de consommer, d’apprendre. Mais, faute de recul suffisant, il est encore bien difficile d’évaluer les conséquences de ce changement sur les jeunes enfants.

Retard dans l’acquisition de la motricité fine, difficultés dans l’apprentissage du langage ou encore diminution de la capacité d’empathie pourraient être les corollaires, dans certains cas, d’un trop-plein d’écran. «Des études ont également trouvé un lien entre le temps passé devant des écrans durant la petite enfance et la fréquence de comportements d’attaque ou de fuite». D’autres travaux ont montré que l’usage intensif des écrans dans la petite enfance pourrait réduire les capacités d’attention. Mais pour l’heure, ces liens restent fragiles. «Ces effets sont très difficiles à évaluer. Nous ne pouvons pas mettre des humains en cage et les exposer à des écrans, beaucoup d’autres facteurs entrent en compte».

Même si le doute persiste quant aux risques éventuels, il n’est pas souhaitable de diaboliser les écrans, comme l’explique Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation (Université Paris Descartes/LaPsyDE/CNRS). Selon le chercheur, l’injonction à ne pas exposer les enfants aux écrans avant l’âge de trois ans ne trouve pas de justification dans la littérature scientifique. «Effectivement, il faut limiter le temps d’exposition au maximum avant deux ans mais les écrans sont partout et on ne peut pas les supprimer, constate-t-il. Ne mettons pas les parents de facto dans une situation d’échec en les faisant culpabiliser».


Intégrer les écrans dans une démarche éducative

Il n’existe donc pas de consensus au sein de la communauté scientifique et médicale sur la question des écrans avant trois ans. Mais au-delà de cet âge, les spécialistes s’accordent à dire que leur usage doit être intégré dans une démarche éducative.

L’utilisation des écrans par les enfants n’est pas incontrôlable: les parents ont un véritable rôle à jouer, et cela dès le plus jeune âge de leur enfant. «Les écrans sont souvent utilisés comme des nounous virtuelles mais il faut le dire et le redire: il ne faut pas laisser les jeunes enfants s’autoréguler face aux écrans, ils n’en sont pas capables», rappelle Grégoire Borst. Pour le scientifique, ce ne sont pas les écrans qui posent problème, mais le contenu auxquels ils donnent accès. «Deux dessins animés ne vont pas avoir les mêmes effets sur le développement de l’enfant. Par exemple, une étude a montré que les Télétubbies ont un impact négatif sur l’acquisition du vocabulaire, tandis que Dora l’Exploratrice serait bénéfique».

Accompagner le choix du contenu fait donc partie intégrante de cette éducation au bon usage des écrans. «C’est une façon de s’intéresser à l’enfant, de recréer du lien», complète Grégoire Borst. Mais aussi de sélectionner les jeux ou les vidéos les plus intéressants et adaptés à l’enfant.

Pour aider les parents dans leur démarche, le Dr Tisseron s’appuie sur le système des «trois A»: alternance, accompagnement et apprentissage de l’autorégulation. «L’enfant ne doit pas «grignoter» des écrans toute la journée, il faut lui donner une contrainte de temps et une tranche horaire», poursuit-il. En outre, il faut l’accompagner dans sa relation aux écrans, notamment en discutant avec lui de ce qu’il a vu ou fait avec. «Même si les écrans peuvent apprendre des choses aux enfants, ils ne leur donnent pas la capacité narrative, c’est-à-dire la capacité de raconter. Or c’est en parlant qu’on apprend à parler».