«On n’utilise que 10% de nos capacités»: 15 idées reçues sur le cerveau


L’organe qui nous distingue entre toutes les espèces vivantes suscite bien des fantasmes. On aimerait tant qu’il soit surpuissant mais non, il est tout simplement humain.


1. Nous utilisons seulement 10% des capacités de notre cerveau

«La plupart des êtres humains n’utilisent que 10% de leur cerveau. Imaginez si on pouvait atteindre 100%»: c’est une idée reçue ancienne, reprise par Luc Besson dans son film Lucy (2014). Scarlett Johansson y incarne une étudiante qui atteint progressivement 100% de ses capacités cérébrales, après la prise d’une drogue expérimentale. Elle devient alors capable de manipuler les hommes et les machines par télékinésie ou encore de calculer aussi vite qu’un ordinateur.

Cette perspective est certes très séduisante, mais elle s’appuie sur une affirmation totalement fausse. Les progrès de l’imagerie médicale ont en effet permis de visualiser l’activité cérébrale de façon très détaillée. Résultat: aucune zone n’est inactive de façon permanente. L’ensemble de notre cerveau est utilisé, bien que chacune des régions ne soit pas mobilisée au même instant. L’idée qu’il existerait des zones cérébrales non affectées et susceptibles d’offrir des potentialités nouvelles n’a donc pas de réalité.


2. Apprendre par cœur, c’est essentiel pour le cerveau

Tables de multiplications, dates de l’histoire ou poésie… Des savoirs qui nécessitent un apprentissage «par cœur». Néanmoins, si cette méthode est indispensable pour certains apprentissages, car elle met en œuvre différents types de mémoire utiles au bon fonctionnement cognitif, elle ne peut être considérée comme «essentielle». L’acquisition de beaucoup de connaissances nécessite une compréhension de la chose apprise: un texte appris par cœur par un comédien ne saurait suffire pour qu’il le connaisse sur le bout des doigts.


3. Le stock de neurones se constitue à la naissance, une fois pour toutes

Au cours du XXe siècle, les scientifiques pensaient que nous naissions avec un stock de neurones, qui diminuait inexorablement avec l’âge. Le cerveau adulte étant incapable d’en générer de nouveaux. Dans les années 1990, ce dogme a été mis à bas. Deux zones très localisées ont été identifiées. Situées près du bulbe olfactif et de l’hippocampe, on les appelle des «niches germinatives» car elles contiennent des cellules souches capables de se transformer en nouveaux neurones. Elles renouvellent ainsi tout au long de la vie certaines cellules impliquées dans la mémoire et l’apprentissage. Cette «neurogenèse» pourrait même se produire dans d’autres zones du cerveau, mais cela n’a pas encore été prouvé. En outre, il peut y avoir des variations: les chercheurs ont révélé que l’environnement peut stimuler (activité physique ou sociale) ou au contraire diminuer (stress, isolement, dépression) ce renouvellement cellulaire.


4. Certaines personnes sont très fortes pour accomplir de multiples tâches en même temps

Napoléon avait la réputation de pouvoir faire plusieurs choses à la fois, et l’on dit souvent que les femmes sont plus enclines aux multitâches que les hommes. Des mythes qui ont été démentis encore une fois par la science. En 2010, une équipe de chercheurs français a démontré les limites du cerveau grâce à l’imagerie médicale. Selon leurs travaux, chacun des deux hémisphères cérébraux ne peut gérer qu’une tâche à la fois. Notre cerveau n’est donc capable de coordonner au mieux que deux activités en même temps et en passant successivement de l’une à l’autre. À partir de trois tâches, les sujets de l’étude commettaient plus d’erreurs et devenaient moins réactifs. À terme, l’une des trois activités finissait par être abandonnée.


5. Quand on se repose, le cerveau dépense moins d’énergie

Le cerveau d’un homme adulte ne représente que 2 % du poids total de son organisme. Pourtant, il consomme environ 20% de son énergie (glucose et oxygène). La majorité de cette consommation énergétique est directement liée à la fonction cérébrale: transmission de l’influx nerveux et communication entre les neurones. Et cette dépense d’énergie ne varie que très peu entre le repos et l’activité physique ou intellectuelle. En revanche, le cerveau consomme environ 40% d’énergie en moins au cours du sommeil lent (environ 75% du temps d’endormissement) ou lors d’une anesthésie générale.


6. Rêvasser n’est pas stimulant pour le cerveau

Les personnes «dans la lune» seraient, bien au contraire, celles qui réfléchissent le plus! En 2009, des chercheurs canadiens ont en effet observé que le cortex préfrontal -où siègent notamment la planification ou le raisonnement- est plus actif quand l’individu vagabonde dans ses pensées. Non seulement rêvasser stimule le cerveau, mais cela lui permet parfois de résoudre des problèmes complexes. Témoins, certains mathématiciens qui ont trouvé une solution à des problèmes très complexes en se promenant en forêt. Lorsqu’il n’est pas perturbé par des sollicitations extérieures, le cerveau travaillerait ainsi d’autant mieux.


7. Si vous êtes mauvais en maths, c’est forcément de votre faute

Combien font 15 fois 3? 280 est-il plus petit ou plus grand que 134? Des opérations simples pour la plupart d’entre nous, mais qui s’avèrent être de véritables casse-tête pour les personnes atteintes de dyscalculie. Cette affection est au calcul ce que la dyslexie est à la lecture. Le trouble apparaît dans les premières années du développement de l’enfant. Il se traduit par une incompréhension du dénombrement, des difficultés d’apprentissage et de mémorisation des tables d’addition et de multiplication. Selon les neurologues, la dyscalculie serait associée à des anomalies de certaines régions du cerveau. En France, près de deux millions d’adultes sont concernés par ces problèmes de calcul profonds, à ne pas confondre avec de simples difficultés en maths!


8. Le cerveau reptilien est responsable de nos instincts les plus primitifs

Notre cerveau serait divisé en trois parties: le cerveau reptilien, responsable des comportements primitifs (se nourrir, se reproduire, combattre), le cerveau limbique, centre des émotions, et le néocortex, siège de la pensée. Cette théorie forgée par le neurophysiologiste américain Paul MacLean au début des années 1960 a connu un succès mondial. Mettant d’accord les neurologues et les psychanalystes, ce modèle permettait d’expliquer la complexité de l’homme, écartelé entre ses instincts archaïques, ses émotions et son intelligence. Las! Ce schéma très consensuel est tout simplement faux. Depuis les années 1970, la théorie a été démontée par les neuroscientifiques: notre cerveau ne peut être ainsi compartimenté. Bien au contraire, toutes les aires cérébrales sont interconnectées.


9. Les ondes du téléphone mobile provoquent des cancers du cerveau

De nombreux travaux ont été menés sur les liens possibles entre les ondes des mobiles et les cancers du cerveau. Mais leurs résultats sont contradictoires, et les scientifiques manquent de recul et d’études incontestables pour trancher. Les études ayant établi un lien ont néanmoins montré que les sujets ayant subi des expositions prolongées pourraient présenter un très faible risque de développer une tumeur au cerveau. L’Organisation mondiale de la santé préfère rester prudente et considère l’usage des téléphones mobiles comme «peut-être cancérigène». Ce qui est un langage de statisticien, pas de clinicien. En attendant, les médecins conseillent de limiter l’exposition aux ondes, en utilisant un kit mains libres et recommandent un usage modéré aux enfants et adolescents.


10. Un poisson rouge a une mémoire de 12 secondes

«Avoir une mémoire de poisson rouge». Cette croyance populaire fait référence à la supposée mémoire des poissons rouges, qui ne serait que de quelques secondes. Encore aujourd’hui très répandue, cette idée est pourtant totalement erronée. Plusieurs équipes de chercheurs ont en effet montré que le poisson rouge, et les poissons en général, possède une mémoire pouvant aller jusqu’à plusieurs mois. Ils sont capables de mémoriser des lieux associés à l’alimentation ou à la douleur, ou encore de retenir le chemin d’un labyrinthe. À ceux qui laissent croupir leur poisson dans un petit bocal, à bon entendeur…


11. Les jeux vidéo abrutissent les joueurs

Violence, agressivité, repli sur soi… Accusés de bien des maux, les jeux vidéo seraient pourtant bons pour le cerveau, dans certaines conditions. Plusieurs études internationales ont en effet démontré que la pratique régulière de jeux d’action améliore la capacité à prendre des décisions, l’attention ou encore la vitesse de réaction. Certains travaux suggèrent même qu’ils pourraient être des supports thérapeutiques pour rééduquer des patients atteints de certains déficits visuels. Ainsi, s’ils n’améliorent pas l’intelligence, les jeux vidéo peuvent être bénéfiques pour certaines capacités cognitives. Toutefois, des usages excessifs peuvent conduire à une forme d’addiction, avec des répercussions sur la vie sociale et professionnelle ou encore sur la santé psychique. L’important est donc de ne pas en abuser.


12. il n’y a pas de différence entre cerveau masculin et féminin

Des études ont démontré que le cerveau des femmes (1,2kg) était en moyenne plus petit que celui des hommes (1,35kg). Une différence qui n’a rien à voir avec l’intelligence et qui s’explique par de simples raisons anatomiques. Mais une découverte récente a également montré que la structure interne des cerveaux masculin et féminin était différente, en particulier pour le câblage entre zones cérébrales. Attention aux interprétations abusives: une telle distinction ne signifie rien en termes de fonctionnement du cerveau d’un homme ou de celui d’une femme. Elle ne dit rien de l’influence des gènes, rien de l’environnement.


13. il est impossible de créer des faux souvenirs

En 2013, une équipe de l’université d’Utrecht aux Pays-Bas a testé l’effet de la désinformation sur la création de faux souvenirs. Les chercheurs néerlandais ont interrogé 249 soldats à leur retour d’Afghanistan. Au cours d’un questionnaire portant sur le stress, les scientifiques ont demandé aux soldats s’ils se souvenaient d’un évènement pourtant fictif (une attaque qui n’avait jamais eu lieu). Neuf mois après, les soldats furent réinterrogés, et 26% d’entre eux déclarèrent avoir vu cet évènement, bien qu’ils n’en aient jamais fait l’expérience. Cette étude montre qu’il est donc bien possible de créer des faux souvenirs. Plus récemment, des travaux américains ont également révélé que la fatigue favorise la création de faux souvenirs.


14. Les marchands savent manipuler nos cerveaux pour favoriser un achat

Les marchands n’ont pas attendu les neurosciences pour parvenir à nous faire acheter des choses dont nous n’avons pas forcément besoin. Toutefois, les outils d’imagerie médicale permettent aujourd’hui aux marques d’étudier l’impact de leurs programmes publicitaires sur le cerveau des consommateurs. Le neuromarketing étudie ainsi l’influence de certains facteurs cognitifs ou émotionnels pour améliorer les publicités ou le packaging des produits. L’objectif étant de comprendre ce qui peut motiver la prise de décision d’un achat. Pour autant, ces études d’observation n’ont pas permis d’identifier une sorte de «bouton d’achat» dans notre cerveau et encore moins de mettre au point des techniques de manipulation de notre esprit.


15. Neurosciences et psychanalyse sont forcément antagonistes

Neurosciences et psychanalyse s’intéressent également à l’étude du fonctionnement mental. Pourtant, tout semble séparer ces deux approches du point de vue conceptuel. Les neurosciences utilisent une approche scientifique expérimentale, avec des théories fondées sur des données objectives et quantifiables, et des hypothèses testables. Tandis que la psychanalyse utilise des champs conceptuels très riches mais difficilement vérifiables. Aujourd’hui, dans de nombreux pays, la guerre entre les deux genres de «psy» tend à s’apaiser. Une approche pragmatique appliquée par certains praticiens cherche à identifier ce qui peut être utile dans chaque démarche. Certains neuroscientifiques tentent même de trouver des liens entre certains concepts de la psychanalyse et les découvertes récentes sur le fonctionnement mental.