Exploitation pétrolière et gazière au Sénégal : de nouvelles menaces sur les écosystèmes marins et côtiers


Les parlementaires sénégalais viennent de voter la loi autorisant le Président de la République à ratifier l’accord de coopération entre la Mauritanie et le Sénégal pour l’exploitation du gisement gazier de Grande Tortue/Ahméyim (GTA), signé le 9 février dernier entre les deux gouvernements. La validation, presque sans débats,  de l’accord avec la Mauritanie par l’écrasante majorité des députés démontrent, encore une fois, que l’exploitation pétrolière et gazière est l’option prise par les autorités sénégalaises malgré toutes les menaces potentielles que cette activité comporte sur les écosystèmes marins et côtiers déjà durement impactés par la surpêche, la pollution, le changement climatique entre autres.

Cet engouement en faveur du pétrole et du gaz vient s’ajouter à la liste déjà longue de menaces qui pèsent sur notre environnement marin et côtier. Pratiquement toute la zone côtière et marine, y compris des zones primordiales de biodiversité, des zones de pêche clés et des sites de tourisme importants, ont été divisés en blocs ouverts aux activités d’exploration pétrolières et gazières. De nombreuses entreprises font de la prospection de pétrole et de gaz tandis que d’autres sont en phase imminente d’exploitation.

C’est pourquoi il est important de rappeler aux autorités sénégalaises que l’exploitation du pétrole, notamment offshore, peut gravement endommager les ressources marines et côtières. En outre, comme cela a été démontré à maintes reprises dans le monde, ce secteur crée peu d’emplois et plutôt que d’encourager le développement durable, il déstabilise souvent l’environnement socio-économique et politique dans la région.


Pollution au pétrole près de Bodo City, dans le delta du Niger, au Nigeria. (AP Photo/Sunday Alamba, archives)

Le Sénégal peut mieux faire !

Le Premier ministre du Sénégal, Mouhamed Boun Abdallah Dione, dans son discours de clôture de la 3ème édition de la Conférence Nationale sur le Développement Durable (CNDD), tenue du 29 au 31 mai, à Dakar, déclarait que l’exploitation des ressources gazières et pétrolières était un levier important pour propulser la croissance économique et le développement des pays.

Heureusement qu’il n’a pas manqué de souligner certains impacts négatifs de ces activités sur l’environnement notamment «la perte de la biodiversité, la pollution des mers, la déforestation, le déplacement de populations… ».

Oui, monsieur le Premier ministre, il faut prendre conscience de ces risques et développer ensemble des mécanismes efficaces afin de mieux protéger l’environnement marin et les populations, comme vous l’avez si bien fait entendre aux nombreux participants à cette rencontre. Mais, outre ces mesures, nous pensons que le Sénégal peut mieux faire.

L’exploitation pétrolière et gazière passe par différentes étapes, de la campagne sismique, au forage, à l’extraction, etc. Chacune de ces étapes a des impacts spécifiques sur le milieu marin.  D’où la nécessité de mettre en place des règlements gouvernementaux stricts ainsi qu’un contrôle minutieux de la part de la société civile afin de garantir une protection des écosystèmes marins et côtiers dans le cadre de cette exploitation.


La mangrove du delta du Niger, dans le sud-est du Nigeria, polluée par une raffinerie de pétrole voisine et illégale, le 23 avril 2017. afp.com - STEFAN HEUNIS

Le Sénégal a donc l’obligation de protéger ses potentialités marines et côtières afin de réduire les impacts environnementaux relatifs à l’exploitation du pétrole et du gaz. Ainsi le gouvernement devrait, entre autres, adopter une politique de « mers propres et poissons propres » visant à protéger le milieu marin et côtier ainsi que la commercialité des produits halieutiques locaux ; mettre en place, surveiller et appliquer des normes convenues à l’échelle nationale et régionale en matière de pollution ; effectuer des Évaluations Environnementales Stratégiques (EES).

La création d’un cadre de gestion et de suivi du milieu marin fonctionnel, l’éducation, la formation et l’information environnementale ; la promotion de la recherche-développement dans le domaine pétrolier et gazier sont entre autres des préalables indispensables pour une meilleure gestion de toutes ressources pouvant avoir des impacts directs sur l’environnement.


Photo: Pius Utomi Ekpei Agence France-Presse Une enquête de l’ONU avait pointé en 2011 les ravages de la pollution pétrolière dans l’Ogoniland.

Pour l’étape d’exploration, il est conseillé de prendre des mesures de précaution notamment l’interdiction de toute campagne sismique dans les Aires Marines Protégées et les zones marines vulnérables comme les mangroves, les herbiers marins et certains estuaires connus comme zones de nourriceries pour les ressources halieutiques; et l’interdiction des campagnes sismiques pendant la migration d’espèces halieutiques importantes ainsi qu’à proximité des cétacés et des tortues de mer.

S’agissant des périodes de forage et d’extraction, on devrait interdire l’extraction et le forage dans des zones vulnérables comme à l’intérieur ou le long des Aires Marines Protégées (AMP), des zones de mangroves, des herbiers marins, des ensembles benthiques riches comme les coraux d’eau profonde ou les bancs de coquillages, les estuaires et les zones d’upwelling intense ; le rejet de boue de forage à base d’hydrocarbures ; demander un régime de rejet zéro dans les zones qui pourraient avoir un impact sur les écosystèmes vulnérables ; et encourager la réinjection de l’eau de production.

Concernant le trafic maritime, le Sénégal devrait signer toutes les conventions de l’Organisation Maritime Internationale (OMI); identifier les zones marines vulnérables et les faire désigner zones marines particulièrement vulnérables et appliquer les instruments appropriés de l’OMI; signer les conventions portant création d’un Fonds pour l’indemnisation des marées noires causées par le trafic maritime.


Src: Greenpeace