Femmes africaines, entre contraintes professionnelles et vie de famille

Comment concilier, pour une femme, la vie professionnelle et la vie de famille ? Cette question se pose souvent et avec acuité dans un couple, surtout lorsque la femme est en âge de procréer et qu’elle a des enfants en bas âge. Aujourd’hui, les conditions économiques étant de plus en plus difficiles et les femmes étant plus instruites et en plus grand nombre qu’à la veille de l’indépendance de notre pays, le travail est devenu une nécessité, un moyen de subvenir aux besoins de la famille élargie mais aussi de contribuer au développement de son pays. Se pose alors un véritable problème environnemental dans la cellule familiale pour la femme dès lors qu’il s’agit de rechercher le juste équilibre entre la vie de couple et le travail.


« Si la richesse était le résultat inévitable du dur travail et de l’entreprise de projets, chaque femme en Afrique serait millionaire » (Georges Monbiot) / Photo : Finbarr O’Reilly

On peut considérer que la femme qui s’échine aux champs, selon le mode de vie paysan, est toujours une femme au foyer parce que son travail sert essentiellement à nourrir la famille même si une partie de la récolte peut être vendue au marché et créer ainsi une source de richesse. D’un autre côté, la femme salariée, en ville, dispose d’un autre statut et revendique, à défaut de l’égalité avec l’homme, l’équité dans la distribution des responsabilités et un égal salaire à diplôme égal. Si dans le premier cas, le travail est encouragé et considéré comme hautement utile, dans le second, et compte tenu de beaucoup de facteurs inhérents à une vie de famille, le travail de la femme peut être et est souvent source de tensions au sein d’un couple.

Il est évident qu’une femme qui rentre tard au foyer et qui n’a donc pas le temps matériel de donner de l’affection à ses enfants et à son époux, de leur donner à manger et de remplir le devoir conjugal parce que trop lasse, le soir, crée un vide dans la famille.

Les maris étant pour l’essentiel, peu enclins à disputer la cuisine avec leurs conjointes, éprouvent alors d’énormes difficultés à avoir une alimentation équilibrée sans parler d’une vie sexuelle assez instable. Et lorsque l’homme accepte cet état de fait, par consensus, ou plus prosaïquement, par amour, viendra toujours un moment où il sera amené à réfléchir sur sa vie et à vouloir mettre un terme à cette instabilité, soit en divorçant, soit en prenant une seconde épouse plus disponible, ce qui n’est pas pour arranger les choses, dans un cas comme dans l’autre.

Certaines femmes sont accusées, à tort ou à raison, de privilégier leur carrière professionnelle au détriment de la vie de couple.


Irène Koki Mutungi est la première femme du continent à prendre les commandes d’un Boeing 787.
CRÉDITS : KENYA AIRWAYS

Les hommes peuvent en venir ainsi à demander à leur femme d’abandonner leur travail et de rester au foyer parce qu’ils considèrent que, de toute façon, la femme salariée ne participe pas ou très peu aux dépenses dans le foyer et, par conséquent, peut bien rester à la maison pour s’occuper de l’éducation des enfants en leur expliquant que c’est beaucoup plus valorisant pour elles. Mais il se peut aussi que ce soit par pure jalousie pour la bonne et simple raison que la femme salariée, indépendante de nature, a la possibilité de découvrir d’autres univers où elle peut éventuellement faire des rencontres parfois, osons le dire, qui déparent de la monotonie de la vie de couple. Et les conflits se déclarent pour un oui ou un non, un bonjour mal appuyé ou une sauce un peu trop salée.

Si on peut admettre, d’après un Sage, que la conscience individuelle est le miroir innocent de la conscience nationale, la société idéale pourrait être caractérisée par une harmonie au sein de toutes les familles, ce qui est pour l’instant utopique. Mais, le mariage étant, par essence, la recherche d’un équilibre au travers d’une union, il est assez regrettable que des couples puissent se disloquer pour des problèmes auxquels on peut trouver des solutions dans le cadre d’un dialogue fécond, avec l’aide ou non d’une tierce personne.


« Si la première femme créée par Dieu a été suffisamment forte pour chambouler, ces femmes, si elles se réunissent, doivent pouvoir le faire elles aussi » (Sojourner Truth) / Photo : Alda Kauffeld pour USAID Ghana

L’environnement de la famille joue ainsi un très grand rôle dans l’harmonie du couple. Les belles-mères, les cousines, les tantes mais aussi les chômeurs aigris qui gravitent autour de la famille ont souvent une mauvaise influence dans la vie du couple, s’ils ne passent leur temps à surveiller les allées et venues de la femme travailleuse.

Il est vrai que vouloir imposer à une femme instruite et diplômée de surcroît, qui travaille ou qui peut trouver une occupation professionnelle, de rester à la maison, pour une raison ou pour une autre, est une attitude assez rétrograde en ce XXIème siècle, d’autant que si elle peut allier les deux situations, à travers ses propres ressorts, elle est, à double titre, un agent de développement. Une nation ne peut donc qu’en tirer profit.


Reportage "Pélerin/CCFD-Terre Solidaire" : programme "femmes et pêche" au sein de l'association mauritanienne MAURITANIE 2000, partenaire du CCFD-Terre Solidaire, pour la Campagne de carême 2015. Une mareyeuse membre de Mauritanie 2000 avec le poisson acheté en marge du port de peche artisanale de Nouadhibou le 20 février 2015 © Pierre Morel

Il est donc tout à fait envisageable afin de préserver l’harmonie au sein du couple, et, par ricochet, de participer au développement de la nation, que, d’un point de vue institutionnalisé, on puisse aménager des horaires souples et des structures de proximité pour s‘occuper des enfants en bas âge afin de faciliter aux femmes leur insertion professionnelle et leur maintien dans la vie active. Il arrive souvent, de nos jours, que des femmes préfèrent rester vieilles demoiselles célibataires pour ne pas avoir à subir l’influence d’un mari présomptueux et se réfugient sous le faux argument que les hommes auraient des complexes vis-à-vis d’elles parce qu’elles seraient trop instruites. On se demande d’ailleurs où se situeraient réellement ces complexes si l’on sait que la majeure partie des hommes voient d’abord une femme avant de s’apercevoir de son niveau, quel qu’il soit.

Les cas qui sont les plus dramatiques concernent ces femmes travailleuses divorcées avec deux ou trois enfants à charge et qui ont du mal à s’en sortir, faute de soutien véritable. Elles ne peuvent pas arrêter de travailler parce que ce serait la catastrophe et ne peuvent pas non plus assurer pleinement l’éducation des enfants. Elles vivent un véritable calvaire et font tout pour ne rien laisser paraître, ce qui a pour conséquence d’intensifier le stress perpétuel auquel elles sont confrontées et elles donnent généralement l’impression d’être plus vieilles que leur âge, et sont sujettes à toutes sortes de maladies tellement elles sont secouées par la vie.


Photo: FAO/Olivier Asselin

La réalité est qu’il est très rare de voir une femme, malgré tout ce que la nature peut lui offrir, appeler son mari à un débat. C’est connu. Les femmes ne réagissent que lorsqu’elles en ont assez mais ne font rien pour ne pas en avoir assez et les hommes ne réalisent qu’un peu trop tard que leur femme est à bout. Et c’est souvent le clash, momentané ou définitif.

La femme travailleuse doit donc rechercher autant que possible le dialogue et la camaraderie avec son mari de sorte que celui-ci puisse accepter de la soutenir dans tout ce qu’elle entreprend, autrement, des situations conflictuelles sont inévitables.


Src: Mag VIE N°10