À la découverte des femmes entrepreneurs de RDC : entre nécessité et ambition

Il faut distinguer en RDC deux catégories de femmes entrepreneurs : celles qui le sont par nécessité et celles qui souhaitent développer leur activité. Les difficultés d’accès à des financements, le manque de services d’accompagnement, une réglementation inadaptée, les préjugés sociaux, de lourdes responsabilités familiales et un faible niveau d’instruction sont les principaux obstacles à l’entrepreneuriat féminin. Des réformes axées sur l’égalité entre les sexes, l’essor du crédit-bail et une nouvelle génération de programmes de formation ciblés peuvent créer un environnement dynamique et propice à l’entrepreneuriat féminin dans le pays.


Des femmes déplacées en RDC suivent une formation. / Harald Henckel / World Bank

Chaque matin, sur les berges du lac Tanganyika, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), une femme d’une quarantaine d’années fait sécher des poissons qu’elle ira ensuite vendre à Kalemie, à quelques kilomètres de là. Elle s’installe stratégiquement à l’intersection de deux axes routiers : les passants et les gens qui vont travailler s’arrêtent souvent devant son petit étal pour acheter à manger. À la fin de la semaine, avec un peu de chance, elle aura de quoi nourrir ses huit enfants et acheter d’autres poissons à faire sécher.

À l’autre bout du pays, dans la capitale, Kinshasa, Kany Véronique Mafuta dirige une petite entreprise qui produit de la farine de manioc. La demande locale est forte, mais cette femme entrepreneur n’a pas les moyens d’acquérir de nouveaux équipements pour développer son activité : les banques ne lui ont proposé que des prêts à des taux d’intérêt prohibitifs.


Kany Véronique Mafuta devant les sacs de farine de manioc qu’elle produit. / Milaine Rossanaly/World Bank

UNE RÉALITÉ PLURIELLE

Il faut distinguer en RDC deux catégories de femmes entrepreneurs. Il y a d’une part des femmes qui se lancent dans une petite activité par nécessité, pour joindre les deux bouts : elles vendent dans la rue des plats qu’elles ont cuisinés, revendent des produits manufacturés ou de grande consommation dans les zones rurales, ou font du petite commerce transfrontalier. D’autre part, on trouve aussi des femmes qui créent une entreprise et tentent de la développer sur un segment de marché prometteur. Les études montrent que, dans les villes, ces petites et moyennes entreprises (PME) dirigées par des femmes sont principalement concentrées dans trois secteurs : le commerce, les services et l’agriculture.

« L’entrepreneuriat féminin joue un rôle fondamental dans l’économie de la RDC. Nous voulions mieux comprendre les problèmes que ces femmes rencontrent, pour faire en sorte que nos projets à venir les aident effectivement à créer des entreprises viables et productives », explique Moustapha Ndiaye, directeur des opérations de la Banque mondiale pour la RDC. « Nous nous attachons à améliorer l’environnement économique pour les femmes — et pour les hommes — aussi bien dans les zones urbaines que dans les zones rurales. »


COMMENT LEVER LES OBSTACLES ?

Afin de cerner l’environnement entrepreneurial complexe en RDC, le Groupe de la Banque mondiale a lancé en 2016 une étude-pilote sur les petites entreprises dirigées par des femmes. Diverses parties prenantes ont analysé l’entrepreneuriat féminin, au niveau national et local, et défini les actions à mener. La révision du Code de la famille a été l’une des priorités.


Les vendeuses du marché de Walikale construit par le PNUD grâce au financement de KOICA, désormais à l'abri des intempéries. @crédit: Aziza Bangwene/PNUD,2015

Pendant longtemps, le Code de la famille a interdit aux femmes mariées de signer un contrat, de faire enregistrer une entreprise, d’ouvrir un compte bancaire ou d’obtenir un prêt sans l’autorisation de leur époux. À l’issue de réformes portées par le ministère de la Justice et par le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, sa version révisée a été votée par le Parlement en juin 2016.

Outre les obstacles juridiques, l’étude révèle que le manque d’accès à un financement est un problème crucial pour les femmes entrepreneurs souhaitant développer leur activité. Seulement 3,6 % des entreprises dirigées par une femme ont contracté un prêt bancaire (a), contre 10,2 % des entreprises dirigées par un homme. Cet écart s’explique notamment par les restrictions imposées par le Code de la famille, mais aussi par la faible connaissance que les femmes ont de la gestion d’entreprise et des questions financières, ainsi que par leur manque d’accès aux réseaux professionnels. De plus, l’étude constate qu’il y a peu de produits financiers adaptés aux besoins des femmes entrepreneurs dans les secteurs en croissance, tels que l’industrie légère ou l’agroalimentaire.

Les solutions proposées dans l’étude passent, entre autres, par des sources alternatives pour le financement initial, par la croissance du marché du crédit-bail et par des programmes de formation ciblés. En partenariat avec les pouvoirs publics, le Groupe de la Banque mondiale prépare actuellement la phase 2 de l’étude, qui consistera à apporter un financement et à donner des conseils pour expérimenter et mettre en œuvre ces solutions.


Src: banquemondiale.org